Agroécologie 3 min

Les plantes font de la résistance

À INRAE d’Angers-Nantes, des chercheurs de l’IRHS étudient les mécanismes de résistance des plantes aux maladies, en particulier la tavelure du pommier. Dans le cadre d’un projet régional « Road Movie », un film d'animation a été réalisé pour expliquer la stratégie d'identification de gènes à résistance durable. À découvrir.

Publié le 29 janvier 2016

illustration Les plantes font de la résistance
© INRAE

Protéger la pomme contre la tavelure

Quel plaisir de croquer dans une pomme à pleines dents ! Sauf si la tavelure est passée par là… Les taches et déformations brunâtres, qui ne rendent plus le fruit si désirable sont la conséquence de cette maladie provoquée par un champignon, Ventura ineaqualis. Elle peut réduire voire anéantir la production d’un arbre mais ne le tue cependant pas. Globalement, là où il y a des pommiers, il y a la tavelure. Plus de 90 % des vergers européens sont plantés avec des variétés sensibles à cette maladie. Seulement, le pommier est la troisième culture fruitière mondiale et la première en Europe et dans la profession, c’est la tolérance zéro qui est de mise. Dans la grande distribution, tout fruit taché est éliminé de la vente. La sentence est terrible. 

Pour lutter contre, les arboriculteurs disposent de plusieurs méthodes parmi lesquelles l’utilisation de variétés résistantes. Malheureusement, le champignon responsable de la tavelure trouve trop souvent les clés pour s’adapter à ces résistances naturelles. « Dans la course à l’armement, c’est le plus souvent le pathogène qui gagne car il présente une formidable capacité à s’adapter. D’où la nécessité de protéger ces résistances par des méthodes de lutte complémentaires, une fois que les variétés sont déployées au champ », constate Bruno Le Cam, directeur de recherche INRAE à l’Institut de recherche en horticulture et semences d’Angers (IRHS) et coordinateur du projet Roadmovie.

Gène pour gène : à la recherche de la résistance durable

Face à cette « faillite des résistances » vis-à-vis des maladies, les chercheurs testent une nouvelle stratégie basée sur la connaissance des mécanismes en jeu pendant une infection. « Lors de l’infection d’une plante, les agents pathogènes secrètent des centaines de petites protéines » explique Bruno Le Cam. De son côté la plante a les moyens de reconnaître la présence de pathogènes grâce à des protéines réceptrices codées par des gènes de résistance. Qu’une seule protéine fongique entre en contact avec un des récepteurs de la plante, et celle-ci déclenche des réactions de défense qui bloqueront l’attaque ! On parle d’interaction gène pour gène : à un gène de résistance correspond un gène d’avirulence. Le système fonctionne très bien tant que l’agent pathogène est reconnu. En revanche on sait que dans la nature les agents pathogènes peuvent muter de manière aléatoire dans le génome. Or si le gène codant pour la protéine d’avirulence mute, la protéine réceptrice ne la reconnaîtra plus, et la maladie s’installera. Sur la base de ces connaissances, les scientifiques tentent de prédire la durabilité des  gènes de résistance. Il s’agit d’identifier chez le pathogène des protéines d’avirulence indispensables à  la survie du champignon et dont la mutation lui serait fatale. « Si la protéine d’avirulence ne présente jamais de mutation, alors le gène de résistance correspondant – qui reste à identifier dans nos ressources génétiques - devrait être durable. C’est le pari de notre projet ! », détaille Bruno Le Cam.

Trouver les gènes conservés parmi les souches de champignons

Le point fort de l’IRHS est de pouvoir disposer d’un large éventail de souches qui leur permet de rechercher des protéines fongiques ne présentant pas de mutation. « Nous avons déjà séquencé 90 génomes de souches de Ventura ineaqualis provenant des pommiers cultivés et sauvages des 5 continents ou encore sur d’autres rosacées comme le buisson ardent et le néflier. Si nous n’observons pas de mutation parmi ces gènes ’candidats’ malgré la diversité génétique et géographique des sources de prélèvements, cela signifie que la configuration ou la fonction de ces protéines est vraiment indispensable à la survie du champignon ». Disposant d’importants ressources génétiques de pommier, l’IRHS peut cribler ces pommiers  avec les protéines fongiques 'candidates' pour découvrir ces fameux gènes de résistance durable. Dans ce matériel végétal se trouvent potentiellement les sources de résistance durables qui seront présentes dans les variétés de demain.

La tavelure du pommier ou la success story d'un champignon venu d'Asie

Carte de la trajectoire de la tavelure du pommier
Carte de la trajectoire de la tavelure du pommier

Patricia LéveilléRédactrice

Contacts

Bruno Le Cam, Jérôme CollemarePilotes scientifiques Institut de recherche en horticulture et semences (INRAE/Agrocampus Ouest/Université d'Angers)

Le centre

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