Agroécologie 5 min

Des haies bocagères, pour le climat et l’environnement

En milieu rural, les haies marquent le paysage, témoignant des pratiques agricoles d’hier et d’aujourd’hui. Mises à mal au siècle dernier par les remembrements, elles bénéficient aujourd’hui d’un regain d’intérêt au regard de leurs multiples avantages. Côté climat et environnement, elles contribuent à lutter contre le changement climatique, participent à la qualité des sols et préservent les ressources en eau. Des atouts essentiels auxquels s’intéressent les différents acteurs de terrain.

Publié le 04 décembre 2020

illustration Des haies bocagères, pour le climat et l’environnement
© Air Papillon

Limites de propriétés foncières, réservoirs de biodiversité, source de bois énergie ou de fruits comestibles, protection contre le vent… les haies présentent de nombreux intérêts tandis qu’elles agrémentent les paysages ruraux de nombreuses régions du monde. Malmenées lors des remembrements fonciers des années 1970 puis par les mutations agricoles ces cinquante dernières années, les haies reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène – notons qu’elles bénéficient du soutien de différentes politiques publiques et mesures agroenvironnementales.

Source d’énergie renouvelable, les haies jouent aussi un rôle clé dans la séquestration du carbone dans les sols et dans la préservation de la ressource en eau.

Les haies, favoriser le stockage de carbone dans les sols

L’atténuation du changement climatique en cours est un défi crucial qui repose notamment, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la séquestration de plus de carbone dans les sols. A l’échelle planétaire, le stock de carbone organique des sols est de l’ordre de 2400 Gt de C, soit le triple de la quantité de C contenue dans l’atmosphère sous forme de CO2 (800 GtC). Une faible variation de ce stock peut avoir des implications fortes en termes d’émissions ou de séquestration de carbone.

Dans les zones agricoles, la plantation de haies est une pratique d’agroforesterie favorable à l’accroissement des stocks de carbone dans les sols et pour laquelle il y a encore peu de données notamment en milieu tempéré.  

Dans le cadre de leurs projets de recherche AgForward - Promotion des pratiques agroforestières pour favoriser le développement rural en Europe (EU 2014-2017) et Carbocage - Vers la neutralité Carbone des territoires (Ademe 2016-2019), des chercheurs INRAE et leurs collègues ont arpenté les bocages de Bretagne et des Pays de Loire, évaluant les stocks de carbone organique des sols à proximité des haies bordant des parcelles agricoles. Ils se sont intéressés à des haies récentes, plantées il y a 20 ans, ou plus anciennes, héritées du paysage traditionnel et plantées il y a entre 40 et 120 ans.

Les mesures effectuées dans les différents sites montrent un effet significatif de la haie sur les stocks de carbone organique dans le sol des parcelles adjacentes, jusqu’à une distance de 3 mètres.
Les stocks de carbone organique dans les sols sont plus élevés au voisinage des haies que dans les parcelles qu’elles bordent. Le stock additionnel se situe surtout dans les 30 premiers centimètres du sol et dans la zone située à moins d’un mètre de distance de la haie : ce sont 55 à 65 % du stock additionnel. En profondeur, entre 60 et 90 cm, la haie peut influencer le stockage de carbone jusqu’à 3 m des arbres.
Le stock additionnel total mesuré sur 90 cm de profondeur varie de 0,8 à 2,2 tC pour 100 mètres linéaires de haies, pour les haies jeunes, et de 1,2 à 4,2 tC pour 100 m linéaire pour des haies anciennes. Cela correspond à une augmentation annuelle de stocks de 9 à 13 ‰ localement autour de la haie soit 2 à 3 fois l’objectif annuel de croissance de 4 ‰ des stocks de carbone du sol, destiné à réduire de manière significative dans l'atmosphère la concentration de CO2 liée aux activités humaines.  

Par contre, à l’échelle d’un paysage, l’impact des haies sur le stockage de carbone est inférieur à l’objectif 4‰ : dans un paysage théorique composé de parcelles carrées de 1 ha, l’implantation de haies tout autour des parcelles, ne permettrait qu’un stockage de C additionnel annuel de 1 à 1,5 ‰ ce qui suggère que cette implantation soit pensée en complément d’autres pratiques d’entretien ou d’amélioration des stocks de C dans les paysages agricoles.

En fonction de leurs caractéristiques et des propriétés intrinsèques du sol, les haies ont donc un potentiel pour stocker du carbone additionnel dans les sols, en plus de celui qu’elles sont susceptibles de stocker dans leur système racinaire ou dans leur biomasse aérienne. Potentiel qu’il convient d’explorer plus avant pour mieux en expliquer la variabilité, en comprendre les déterminants dans la perspective de mettre en place une gestion appropriée des haies, favorables notamment à l’amélioration dans la durée de ce potentiel.

Les haies, préserver la ressource en eau

Au voisinage des haies, les arbres et arbustes interceptent, avant leur arrivée au sol, une partie des précipitations dont ils modifient la distribution spatiale au sein de la parcelle. Ils prélèvent également de l’eau dans le sol. Y a-t-il compétition entre les haies et les cultures voisines ? Cette question a été peu explorée cependant, selon la localisation des haies et la distance à la nappe phréatique, il semblerait que les zones de prélèvements d’eau soient différentes.

Les haies modifient la circulation de l’eau en surface du sol, ralentissant le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau. Elles limitent les risques et les effets des phénomènes de sécheresses et / ou de crues de faibles intensité. Elles ralentissent également l’érosion éolienne ou hydrique des sols.

Les haies contribuent à la qualité de l’eau. Le bocage concourt à limiter les transferts de particules érodées et d’éléments chimiques associés aux écoulement d’eau à la surface des sols (pesticides, phosphore…).

Mobiliser les connaissances pour l’action

Aujourd’hui, plus que des éléments du paysage, les haies font partie des espaces productifs en interaction avec les autres surfaces agricoles. Les recherches qui les concernent, s’inscrivent de plus en plus dans un cadre interdisciplinaire qui permet d’évaluer l’ensemble des fonctions agronomiques, écologiques et environnementales de ces éléments paysagers et leurs interactions. Elles associent souvent des acteurs non scientifiques (gestionnaires, agriculteurs…) dans des projets de recherche ou de recherche-action destinés à évaluer la propension des acteurs dans les territoires à adhérer aux nouveaux dispositifs, identifier des pratiques d’intérêt, faire le lien entre les systèmes de gestion des agriculteurs et le maintien des fonctions  multiples attendues des haies dans la durée, concevoir des systèmes agroforestiers bocagers durables avec une meilleure connexions entre les fonctions agronomiques et les fonctions environnementales des haies et une meilleure intégration des haies aux systèmes de production agricole.

Différents dispositifs d’action publique promeuvent la mise en place et l’entretien des haies bocagères et le stockage de carbone est l’un des services écosystémiques attendus de l’implantation de haies et de leur maintien dans la durée.

 

Dans le cadre du projet Carbocage, un guide de gestion durable des haies, destiné aux acteurs de terrain a été élaboré. Il définit des itinéraires techniques qui assurent un stockage de carbone additionnel par des haies gérées durablement, ainsi que des co-bénéfices sur la biodiversité.  

 

Dans l’idée de rétribuer les agriculteurs pour la fonction puits de carbone de leurs haies, la possibilité de mettre en place un marché volontaire de compensation carbone basé sur la gestion durable des haies bocagères a également été évaluée.

 

La compensation carbone consiste à essayer de contrebalancer ses propres émissions de CO2 par le financement de projets de réduction d'autres émissions de CO2 ou de séquestration de carbone

Serious games et ateliers ont réunis agriculteurs, entreprises et collectivités autour de cet objectif, sous la houlette des chercheurs.

En pratique, les agriculteurs intéressés s’engagent volontairement dans un plan de gestion durable de leurs haies qui, ainsi régénérées, sont plus efficaces pour séquestrer du carbone. Les quantités supplémentaires de carbone stockées, sont mesurées, certifiées par le label national bas carbone, et converties en crédits carbone au niveau d’une plateforme numérique. Celle-ci fonctionne comme une bourse locale du carbone, à laquelle participent des entreprises ou des collectivités désireuses d’alléger leur empreinte environnementale.

Les agriculteurs trouvent là une façon de prolonger leurs actions en faveur du développement durable. Pour les entreprises, la demande de crédits carbone à des fins de compensation volontaire s’inscrit dans une stratégie de responsabilité environnementale mais aussi d’ancrage territorial à travers la création d’une dynamique avec les acteurs locaux. Les collectivités locales s’intéressent principalement à ces marchés en tant qu’intermédiaires et y voient une possibilité de poursuivre leur action pour le bocage et de sensibiliser les acteurs aux enjeux climatiques et bocagers. Un levier important et plausible de valorisation des haies bocagères sur les territoires du Grand Ouest !

 

 

Catherine Foucaud-Scheunemann Rédactrice

Contacts

Valérie Viaud UMR Sol, agro et hydrosystème, spatialisation (INRAE, AgroCampusOuest)

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