Changement climatique et risques 3 min

Faire émerger de nouvelles solutions de gestion de l’eau

Pour réduire les déficits hydriques estivaux, différentes pistes existent, allant du stockage hivernal à la réduction de l’irrigation. Pour aider à l’émergence de solutions locales, à la fois efficaces et acceptées par tous, les chercheurs d'INRAE ont analysé plusieurs scénarios culturaux, conçus avec des acteurs locaux, en jouant sur l’irrigation, l’assolement, et la construction de retenues d’eau. Le changement d’assolement est le plus efficace mais le moins consensuel parmi les acteurs locaux.

Publié le 25 octobre 2019

illustration Faire émerger de nouvelles solutions de gestion de l’eau
© INRAE

Comment gérer l’eau disponible dans un territoire où les déséquilibres hydriques sont chroniques et où les différents acteurs ont des attentes différentes ? Cette question est particulièrement prégnante dans le Sud-Ouest. Pour accompagner l’émergence de nouvelles solutions locales, les chercheurs de l’unité AGIR d’INRAE Occitanie-Toulouse ont simulé quatre scénarios pour analyser leurs impacts sur notamment l’agriculture et les débits des cours d’eau. Les résultats des simulations ont ensuite été soumis à plusieurs groupes d’acteurs. Chaque groupe a évalué les scénarios, de son point de vue, ce qui a permis aux chercheurs d’étudier la pertinence sociale des scénarios proposés. « Ces quatre scénarios poussent les leviers à l’extrême pour mieux voir les conséquences », prévient Sandrine Allain, qui a mené ce travail dans le cadre de son doctorat. Le premier scénario envisage de réduire la sole irriguée. Dans le deuxième, des modifications d’assolements sont testées, en introduisant des cultures nécessitant moins d’eau que le maïs en été. Dans le troisième, les chercheurs ont étudié les impacts de l’irrigation pilotée grâce à des outils d’aide à la décision. Enfin, le dernier scénario envisage une mutualisation des capacités de stockage en eau par la construction de retenues stockant l’eau pendant l’hiver et la redistribuant en été.

Des bénéfices variables

« En prenant l’exemple de l’Aveyron aval – Lère, nous avons montré que tous les scénarios de réduction de la demande en eau ne se valent pas en terme de capacité à résorber le déséquilibre hydrique », partage Delphine Burger-Leenhardt. Ainsi, plus les efforts demandés aux agriculteurs se situent sur des cultures consommatrices d’eau, comme le maïs, et irriguées par prélèvements dans les grandes rivières, plus ils ont d’effets sur les débits. Entre l’introduction de rotations culturales et une amélioration du pilotage de l’irrigation, la première stratégie apparaît la plus efficace. Mais elle est très différemment acceptée selon les acteurs, alors que la deuxième stratégie apparaît plus consensuelle. Ce consensus apparent suppose cependant que les agriculteurs, forts des économies réalisées grâce aux outils de pilotage, n’étendent pas l’irrigation à de nouvelles surfaces. Quant au scénario visant à remplacer de petites retenues par de grandes retenues de substitution, il permet de mieux satisfaire la demande agricole en eau, donc de sécuriser les marges des maïsiculteurs, sans pour autant dégrader les débits d’étiage de la rivière principale. Néanmoins, ce scénario est jugé inacceptable par ceux qui considèrent que sécuriser les intérêts des plus gros consommateurs d’eau est contraire à la transition agroécologique.

Les pistes qui émergent de l’analyse de ces scénarios s’inscrivent dans les nouveaux instruments de politique de gestion de l’eau que sont les « projets de territoires ». Ces projets proposent de combiner économies d’eau et stockage de substitution dans les territoires les plus en déséquilibre. « Nos résultats suggèrent de raisonner les mesures d’économies d’eau en fonction de la localisation des infrastructures de stockage (et vice versa) pour améliorer les débits en aval, souligne Sandrine Allain. En effet, les économies d’eau réalisées par les agriculteurs ont peu d’impact sur l’hydrosystème lorsque les prélèvements ont lieu dans des retenues de substitution. En revanche, faire des économies d’eau sur un territoire permettrait de rendre un projet de retenue plus facilement acceptable par l’ensemble des parties prenantes ».

Sandrine Allain, gagnante de la médaille d’Argent Dufrenoy de l’Académie d’Agriculture de France

Le 26 septembre 2019, l’Académie d’Agriculture de France a remis ses prix et médailles 2019 et a distingué à cette occasion 9 chercheurs et chercheuses et 7 doctorants et doctorantes de l’Inra et d’Irstea. Des parcours remarquables et des travaux innovants sur l’animal, le végétal, les eaux et les sols, la biodiversité et la forêt, ou encore l’alimentation et la bioéconomie ont ainsi été mis à l’honneur et encouragés.

Sandrine Allain a été récompensée pour sa démarche d’évaluation multi-critères multi-acteurs utilisant des simulations informatiques.

 

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Contacts scientifiques

Delphine BURGER-LEENHARDT AGroécologie, Innovations, teRritoires (AGIR)

Gaël PLUMECOCQ AGroécologie, Innovations, teRritoires (AGIR)

Sandrine ALLAIN Laboratoire des écosystèmes et sociétés en montagne (LESSEM)

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