Bioéconomie 3 min

Une enzyme clé du microbiote intestinal pour la production du méthane filmée en pleine action

COMMUNIQUE DE PRESSE - Des scientifiques d’INRAE et d’Aix-Marseille Université, en collaboration avec le synchrotron SOLEIL et le CNRS, ont pu filmer à l’échelle atomique un nouveau type d’enzymes impliquées notamment dans la fabrication du méthane par les microorganismes. Ces résultats fondamentaux inédits, parus le 10 février dans la revue Nature, permettent de comprendre comment une famille d’enzymes récemment identifiée, peut réaliser des réactions sans équivalent dans le vivant. Ils ouvrent également de nouvelles perspectives pour optimiser la bioproduction de méthane.

Publié le 11 février 2022

illustration Une enzyme clé du microbiote intestinal pour la production du méthane filmée en pleine action
© Pixabay

Le microbiote intestinal est un ensemble complexe de microorganismes (bactéries, archées, virus, levures…) qui jouent un rôle majeur pour la santé et la physiologie humaine et animale. Si les travaux, notamment menés à INRAE, ont permis de mieux comprendre son importance, les connaissances de ses fonctions à l’échelle moléculaire sont limitées. C’est en particulier le cas des enzymes du microbiote, dont certaines sont impliquées dans des processus aussi divers que la biosynthèse d’antibiotiques ou la production de méthane. Il est donc capital de comprendre les fonctions et mécanismes des enzymes, notamment de celles nouvellement découvertes.

 

Elle fait une réaction particulièrement difficile à réaliser et qu’aucune autre classe d’enzymes du vivant n’est capable d’accomplir !

C’est en ce sens que les scientifiques d’INRAE et d’Aix-Marseille Université travaillent, en collaboration avec le synchrotron SOLEIL et le CNRS. La cible de ce travail ? L’enzyme Mmp10, dont l’implication dans la production de méthane a récemment été montrée*. Dans cette étude, ils ont découvert comment l’enzyme Mmp10 en modifie une autre, la méthyl-coenzyme M réductase (MCR), qui fabrique le méthane. Elle fait une réaction particulièrement difficile à réaliser et qu’aucune autre classe d’enzymes du vivant n’est capable d’accomplir.

 

Pour comprendre le fonctionnement de l'enzyme Mmp10, les scientifiques ont employé plusieurs approches : des études biochimiques pour mesurer son activité enzymatique, des études spectroscopiques pour analyser les différents ions métalliques présents en son centre et des études de biologie structurale, pour résoudre sa structure tridimensionnelle. Grâce à cette approche multidisciplinaire, il a été découvert que l’enzyme Mmp10 est une métalloprotéine (protéine liée à du métal) complexe avec une structure tridimensionnelle unique. Un « film » de l’enzyme en cours de réaction a également pu être reconstitué à partir de différentes structures 3D obtenues, telles des clichés successifs de la réaction.

 

Celui-ci a notamment révélé que l’enzyme subit des réarrangements sans précédent au cours de la réaction, avec notamment une réorganisation de son site actif (partie de l’enzyme où se fixent les molécules lors de la réaction). Cette mise en lumière inattendue explique la manière dont l’enzyme Mmp10 participe à la production de méthane par les archées et le mécanisme surprenant mis en place pour réussir à réaliser des réactions aussi complexes.

 

Structure 3D de l'enzyme Mmp10 impliquée dans la production du méthane

Cette étude apporte des connaissances fondamentales totalement inédites sur le fonctionnement d’une nouvelle famille d’enzymes : les enzymes à radical SAM dépendantes de la vitamine B12, au très large potentiel biotechnologique. Ces résultats novateurs, en plus d'une meilleure connaissance du microbiote, devraient permettre de développer de nouveaux biocatalyseurs plus performants et respectueux de l’environnement dans le cadre du développement durable.

 

* Chez une archée appelée Methanosarcina acetivorans

 

Référence
Fyfe, C.D., Bernardo-García, N., Fradale, L. et al. Crystallographic snapshots of a B12-dependent radical SAM methyltransferase. Nature 602, 336–342 (2022). https://doi.org/10.1038/s41586-021-04355-9

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Microbiote intestinal : fonctionnement d’une bactérie vampire

COMMUNIQUE DE PRESSE - « Les antibiotiques, c’est pas automatique ! … » Ils sont essentiels pour lutter contre les maladies infectieuses, mais utilisés à mauvais escient, ils déciment les bactéries du microbiote, laissant place à des bactéries infectieuses résistantes aux traitements. Parmi elles, Enterococcus faecalis, une bactérie présente dans l’intestin et normalement inoffensive qui peut devenir pathogène et responsable d’infections urinaires et cardiaques. Pour se développer, elle a besoin d’une molécule de l'hôte qu’elle ne sait pas fabriquer, mais qui lui est toxique à forte dose : l’hème. Des chercheurs d’INRAE, en collaboration avec le CEA, ont montré qu’Enterococcus faecalis piège et utilise l’hème présent dans l’intestin tout en évitant sa toxicité. Leurs travaux, publiés le 2 février 2021 dans mBio, mettent en lumière l’existence d’un capteur qui permet à la bactérie de détecter la présence d’hème, et de contrôler finement ses apports pour ne pas subir sa toxicité. Bloquer ce mécanisme pourrait constituer une piste pour le développement de traitements contre cette bactérie.

18 janvier 2021

Alimentation, santé globale

Microbiote, la révolution intestinale - Bien nourrir son microbiote

DOSSIER DE PRESSE - Voici l’un des paradoxes de nos sociétés modernes : jamais dans l’Histoire, il n’a été aussi facile de se nourrir. Jamais nous n’avons eu à portée de fourchette une telle abondance d’aliments. Et pourtant, les nutritionnistes ne cessent de nous alerter sur nos mauvaises habitudes alimentaires. Les régimes trop riches en graisses et en sucres, trop pauvres en fibres ont augmenté l’incidence de maladies telles que le diabète, l’obésité, ou les maladies inflammatoires de l’intestin. Or, les chercheurs observent à quel point notre microbiote intestinal souffre d’une alimentation déséquilibrée et perd ses pouvoirs protecteurs. Une bonne alimentation, riche en fibres issues d’aliments variés, contribue à la diversité et à la richesse des populations bactériennes, à l’équilibre de leur écosystème, et donc, à notre santé.

16 décembre 2019