Alimentation, santé globale 3 min

Contaminants alimentaires : la recherche appuie sur l’accélérateur

Deux grands projets de recherche pilotés par INRAE ont débuté en 2020 autour des contaminants alimentaires. Il s'agit de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ils affectent notre santé et de développer des méthodes pour les détecter plus facilement et précisément.

Publié le 20 novembre 2020

illustration Contaminants alimentaires : la recherche appuie sur l’accélérateur
© INRAE

Pesticides sur les pommes, perturbateurs endocriniens dans les emballages plastiques, composés perfluorés dans le revêtement des poêles, métaux lourds dans la chair des poissons, PCBs1 dans la viande : la nourriture nous expose sournoisement aux contaminants. Le constat est d’autant plus préoccupant que l’on sait désormais à quel point ces substances peuvent perturber les fonctions endocriniennes et métaboliques de notre organisme. De plus en plus de résultats suggèrent, par exemple, un lien entre contaminants et maladies chroniques comme l’obésité, le diabète et le cancer. Pour faire face à cette réalité, les chercheurs INRAE tentent de mieux comprendre les mécanismes par lesquels les contaminants affectent notre santé. Dans le même temps, ils développent des méthodes pour les détecter plus facilement et précisément. Preuve de cet effort de recherche redoublé, deux grands projets de recherche qui débutent en 2020. Leur point commun ? Tous deux feront entrer dans la toxicologie des aliments des méthodes révolutionnaires.  

Quand Goliath s’en mêle

Comprendre l’impact des polluants sur l'organisme et développer de nouvelles méthodes pour l’étudier

Le laboratoire toulousain Toxalim sera le co-coordinateur du projet européen Goliath. Celui-ci développera des tests standardisés pour mesurer l’impact sur l’organisme des polluants et, ainsi, en évaluer la dangerosité. Pour cela, Goliath intégrera tous les niveaux d’expérimentation : de la modélisation informatique aux données épidémiologiques, en passant par les tests in-vitro. Les méthodes «omiques»2 qu’il développera permettront notamment d’appréhender l’ensemble des modifications métaboliques et physiologiques induites par les polluants. Ainsi, de nouvelles cibles cellulaires des polluants seront identifiées et leurs modes d’action pourront être déchiffrés. Les chercheurs de Toxalim apporteront au projet leur savoir-faire en bio-informatique et dans le domaine du métabolisme. Leurs modèles permettront d’identifier les voies métaboliques affectées par les polluants. Leurs expériences in silico (informatique), viseront à trouver des marqueurs moléculaires indiquant le degré d’exposition d’un individu. Ces simulations informatiques permettront, en outre, de mieux concevoir et cibler les expériences in vivo. C’est en somme un pas de géant
dans notre compréhension de l’impact des polluants et dans les méthodologies pour l’étudier que s’apprête à faire Goliath. 

Sentinel : sentir les contaminants 

L’odeur des animaux ou des viandes exposées à des contaminants peut être reconnue grâce à des "nez électroniques"

Autre projet, autres ambitions. Le projet Sentinel, piloté par le laboratoire Qualité des Produits Animaux et financé par l’Agence Nationale de la Recherche, a pour but de développer des outils peu coûteux, rapides et efficaces pour la surveillance toxicologique de la viande. Parmi les pistes explorées, détecter l’exposition des animaux aux polluants à partir des molécules volatiles qu’ils dégagent. En effet, lorsqu’un animal a été exposé à un polluant, son métabolisme peut s’en trouver modifié. Il produit alors des molécules volatiles différentes de celles des animaux non exposés. C’est cette différence, cette signature distinctive, que les chercheurs veulent détecter et caractériser. Pour cela, ils développeront des «nez artificiels» qui seront entrainés à percevoir ces différences. Ces nez électroniques, dont les performances n’ont cessé de s’accroître ces dernières années, sont susceptibles de «sentir» les signatures en molécules volatiles qui se dégagent d’un corps. Des essais préliminaires ont prouvé que l’odeur des animaux ou des viandes exposées à des contaminants peut être reconnue grâce à ces outils. Ainsi, si Sentinel atteint son objectif, les autorités sanitaires et les professionnels de la filière viande disposeront d’un outil puissant et rapide pour surveiller la contamination des animaux et des carcasses destinées à l’alimentation animale.

[1] Les PCBs, polychlorobiphényles, sont des polluants organiques persistants (POP) difficiles à détruire dans l’environnement. Ils se sont ainsi accumulés dans les sols, notamment à cause des rejets industriels dans les rivières.

[2] Les «omiques» les plus connus sont la génomique, la protéomique, la transcriptomique et la métabolomique. 

SEBASTIÁN ESCALÓNRédacteur

Contacts

Erwan Engel UR Qualité des produits animaux

Fabien Jourdan UMR Toxicologie alimentaire

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Alimentation, santé globale

Le remplacement du bisphénol A par le bisphénol S conduit à augmenter l’exposition à une substance hormonalement active

COMMUNIQUE DE PRESSE - Publiée le 17 juillet 2019 dans Environmental Health Perspectives, l’étude menée par l’équipe Gestation et perturbateurs endocriniens de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT) et du laboratoire Toxalim (ENVT/Inra/Toulouse INP Purpan/UT3 Paul Sabatier), en collaboration avec les Universités de Montréal et de Londres a montré chez l’animal que le bisphénol S (BPS) persiste plus longtemps dans l’organisme et à des concentrations beaucoup plus élevées que le bisphénol A (BPA). En raison des propriétés oestrogéno-mimétiques du BPS comparables à celles du BPA, le remplacement du BPA par le BPS conduit ainsi à multiplier par environ 250, les concentrations dans le sang d’une substance hormonalement active. Ce résultat montre que l’évaluation de l’exposition est critique pour la recherche d’alternatives à des substances préoccupantes et pourrait permettre d’éviter une substitution regrettable.

12 décembre 2019