Agroécologie 3 min

Bien-être animal : humains, objets ou leurs congénères, les porcelets nous disent ce qu’ils préfèrent

COMMUNIQUE DE PRESSE - Surprise, peur, joie ou stress, les humains ne sont pas les seuls à exprimer leurs émotions par la voix. En étudiant les grognements des porcelets, une équipe de recherche INRAE a pu évaluer leur état émotionnel, suscité par leurs congénères, des humains ou des objets manipulables. Résultat : si les porcelets ont une préférence pour leurs congénères, l’humain qui s’occupe d’eux est une véritable source d’apaisement, bien plus que les objets manipulables généralement utilisés en élevage. Ces travaux, qui ont pour objectif de comprendre comment favoriser le bien-être des animaux en élevage font l’objet de deux publications dans Scientific reports et Frontiers in Veterinary Science.

Publié le 27 novembre 2020

illustration Bien-être animal : humains, objets ou leurs congénères, les porcelets nous disent ce qu’ils préfèrent
© INRAE - Eric BEAUMONT

Comme la plupart des mammifères, les porcs expriment un grand nombre d’émotions par leur voix comme la joie, la peur, la frustration. Pour cela, ils émettent tout un panel de vocalises plus ou moins aigues et plus ou moins longues : aboiement, couinement, cris, grognements sont autant de types de vocalises qui peuvent être associées à des contextes positifs ou négatifs. Les grognements sont les plus utilisés et pourtant les moins bien compris. En les décryptant, les scientifiques cherchent à traduire l’état émotionnel des porcs afin de mieux comprendre leur perception de leur environnement et d'adapter les conditions d'élevage pour favoriser leur bien-être.  Dans cette étude, les éthologues avaient pour but de décrire précisément les grognements des porcelets dans différentes situations, et de mesurer le niveau de bien-être que procure la relation avec l’humain.

Entre un humain et un copain : il n’y a pas photo

Dans la première étude, les scientifiques ont cherché à savoir qui d’un humain familier avec qui il avait noué une relation positive (caresses, jeu…) ou d’un congénère familier vivant dans la même loge que lui, le porcelet préférait. Les travaux ont porté sur 60 porcelets âgés de 28 jours au début de l’étude à 62 jours à la fin. Les chercheurs leur ont appris à anticiper l’arrivée de l’humain ou du porcelet familier grâce à un signal sonore et visuel spécifique à l’un ou l’autre et qui était déclenché 20 secondes avant l’entrée du partenaire. Lors du test, ils ont enregistré et analysé les grognements du porcelet au moment du signal, selon qu’il annonçait l’arrivée de l’humain ou d’un congénère familier. Le test a été effectué 12 fois pour chaque partenaire et pour chaque porcelet. Lors du dernier test, l’arrivée du partenaire attendu était retardée de 1min30, ce qui ne correspondait pas aux attentes du porcelet et provoquait une situation de stress et de frustration. Les résultats montrent que les porcelets anticipent de manière différente l’arrivée de l’humain ou d’un congénère. Ils émettent des grognements courts et aigus et sont plus excités par le signal annonçant l’arrivée du congénère, alors que l’anticipation de l’arrivée de l’humain se traduit par des grognements plus longs. Dans la situation où l’arrivée du congénère était retardée, les grognements devenaient plus longs, comme ceux en anticipation de l’humain, traduisant une certaine frustration. Ces résultats montrent que non seulement les porcelets peuvent anticiper une situation, mais aussi qu’ils catégorisent et hiérarchisent leurs attentes : l’annonce de l’arrivée de l’humain plutôt que du congénère traduit une certaine frustration, montrant que les porcelets préfèrent leurs congénères à un humain familier. Ils montrent aussi que les vocalisations, à elles seules, permettent de caractériser précisément la perception de différentes situations par les porcelets, donc d'évaluer leur état de bien-être.

Un humain familier : source d’apaisement

La législation européenne1 rend obligatoire l’enrichissement de l’environnement des porcs domestiques par l’apport d’objets manipulables et mâchonnables, comme des cordes ou des tubes, car ils peuvent induire des états émotionnels positifs en leur permettant de reproduire un comportement naturel. De même, des contacts positifs et répétés avec un humain familier, comme des caresses, peuvent aussi être sources d’enrichissement car elles apportent de nouvelles interactions et génèrent des états émotionnels positifs. Dans cette seconde étude, les scientifiques ont comparé la perception qu’avaient les porcelets d’un objet familier ou d’un humain familier par l’analyse de leur comportement et des grognements qu’ils émettaient.

Cette étude a porté sur 24 porcelets âgés de 28 jours au début de l’étude à 57 jours à la fin. Dans un premier temps, une période d’habituation a permis aux porcelets de se familiariser individuellement avec l’objet et l’humain. Pour le premier test, chaque porcelet devait choisir entre l’humain et l’objet familier. Si les porcelets n'ont pas montré de préférence entre l’humain et l’objet, ils se couchaient plus à proximité des humains et manifestaient des signes d’apaisement. Dans le second test, les porcelets étaient mis dans une situation d’isolement durant 5 minutes, ce qui est source de stress pour eux, puis étaient réunis soit avec l’objet, soit avec l’humain, soit restaient isolés. Dans ce test, l’analyse montre que les porcelets émettent des grognements différents selon les situations. C’est seulement lors de la réunion avec l’humain que les porcelets émettaient des grognements courts et aigus caractéristiques d’émotions positives, étaient moins dans un état de vigilance et s’approchaient plus rapidement de l’humain que de l’objet. L’humain familier serait donc une meilleure source d’apaisement et de bien-être pour le porcelet que des objets.

 

Les grognements des porcelets apportent de nombreuses informations sur leur état émotionnel. En récupérant des données de manière non invasive, par l’installation de micros dans les porcheries, la compréhension de ces sons donne des clés aux éleveurs pour favoriser les situations générant du bien-être pour les porcs. Ces travaux montrent aussi l’importance des interactions positives avec les humains qui, si elles ne valent pas les interactions avec leurs congénères, sont source d’apaisement et de bien-être pour les porcelets.

 

[1] Directive 2008/120/CE du Conseil du 18 décembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2008/120/oj

 

Références

Villain Avelyne S., Lanthony Mathilde, Guérin Carole, Tallet Céline, Manipulable Object and Human Contact: Preference and Modulation of Emotional States in Weaned Pigs, Front. Vet. Sci., 27 November 2020 | https://doi.org/10.3389/fvets.2020.577433

Villain, A.S., Hazard, A., Danglot, M., Guérin C., Boissy A. & Tallet C. Piglets vocally express the anticipation of pseudo-social contexts in their grunts. Scientific Reports 10, 18496 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-75378-x

 

CP-grognement-porcelet-FINALpdf - 1.42 MB

Service presse INRAE

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Avelyne Villain UMR PEGASE (Physiologie, Environnement et Génétique pour l'Animal et les Systèmes d'Elevage)

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