illustration Valentin Loux, bioinformaticien, aide les chercheurs à lire dans l'ADN
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Alimentation, santé globale

Valentin Loux, bioinformaticien, aide les chercheurs à lire dans l'ADN

Valentin Loux est ingénieur en bioinformatique, une vraie double compétence qui allie les sciences informatiques et biologiques. Témoin de la révolution des technologies du séquençage et du développement de la bioinformatique, il s'enrichit au rythme des avancées technologiques pour apporter sa contribution à la recherche, sans tube à essai ni microscope, mais en contact permanent avec les équipes de recherche. Il dirige aujourd'hui la plateforme de bioinformatique Migale du centre Inra Ile-de-France - Jouy-en-Josas

Publié le 16 septembre 2019

Biologie et informatique : un parcours de cœur et d'intuition

S'il avait suivi la trace de ses aïeux, Valentin Loux serait devenu chercheur. Mais sa vocation était moins académique, puisqu'il aurait aimé soigner les Hommes. Son orientation ne tiendra qu'à quelques places qui lui ont manqué pour réussir le très sélectif concours d’entrée en faculté de médecine. Qu'à cela ne tienne, il s'inscrit à l'université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines pour y suivre un cursus de biologie, puis une Maîtrise de biologie cellulaire et physiologie. Il profite alors d'échanges universitaires avec le Canada pour étudier un semestre à l'université de Laval au Québec. Il y découvre la bioinformatique, de loin, mais suffisamment pour décider de s'inscrire en cycle supérieur de cette nouvelle discipline à son retour en France. Un des premiers DESS (diplôme d'études supérieures spécialisées) d'informatique appliqué à la biologie, à l'université d'Evry, lui ouvre ses portes. La formation démarre par une mise à niveau en informatique avant de se poursuivre par un cursus axé sur l’ingénierie, le développement d'outils, d'interfaces et l'algorithmique. En 2001, grâce à sa rencontre avec Jean-François Gibrat, membre de l’équipe d’enseignement, mais aussi directeur de recherche Inra, Valentin décroche son stage de fin d'études, au sein de l'unité de recherche "Mathématique, Informatique et Génome"(MIG) de l’Inra, sur « le développement d'outils de visualisation de réseaux d'interactions protéiques ». Cette expérience lui permet d'enchainer sur une nouvelle mission de « développement d'outils d'annotation de génomes bactériens » dans le cadre d’un contrat à durée déterminée. Son intérêt pour l'activité d'ingénierie se confirme, tout comme son plaisir à l'exercer en interface entre chercheurs en biologie et en informatique.

Une évolution professionnelle portée par la révolution du séquençage

Au début des années 2000, le séquençage était encore extrêmement couteux et il y avait peu d'outils pour analyser les données obtenues. Les projets trouvaient difficilement leurs financements. L’unité MIG parvient néanmoins à obtenir un poste d’ingénieur, sur concours externe. En 2004, dans la continuité de ses précédentes missions, Valentin Loux est recruté par l'Inra sur ce poste. En quelques années, l'arrivée de nouvelles biotechnologies provoque une véritable révolution du séquençage, permettant une réduction spectaculaire de la durée et du cout de l'analyse d'ADN. De nombreux projets vont alors se développer, stimulant la nécessité urgente d'acquérir une plus grande expertise en analyse de données. Il fallait comprendre ces nouvelles technologies, se former, développer des collaborations, … partager, s'organiser en réseau…, car l'expertise était à construire, il n'y avait pas de référence. Valentin Loux participe pleinement à cette aventure et au montage de formations sur l'analyse des données. L'activité des équipes de l'unité de MIG sur ce "front de sciences" en font un collaborateur très convoité par les laboratoires. C'est dans ce contexte que Valentin commence à travailler avec les microbiologistes du centre de recherche Inra de Jouy-en-Josas, puis plus largement avec ceux d'autres centres de recherche Inra en France, alors que son expertise sur les bactéries se développe et acquiert une reconnaissance par la communauté scientifique. Au quotidien, le spécialiste jongle entre sa casquette de biologiste pour comprendre les questions de la recherche en termes de biologie, et celle de l'informaticien, pour le développement de solutions informatiques.

Migale, un nouveau challenge

En 2015, Valentin Loux prend la responsabilité de la plateforme de bioinformatique "Migale", créée en 2004, qu'il pilote en binôme avec Sophie Schbath, responsable scientifique de la plateforme. Il est promu ingénieur de recherche. En quelques années, avec son équipe, il parvient à élargir les champs de compétence de la structure qui est aujourd'hui reconnue en tant que plateforme nationale Inra. Ouverte à la communauté des sciences de la vie, Migale met à disposition une infrastructure informatique dédiée au traitement des données, et propose un accompagnement complet jusqu’à l’analyse de données génomiques. La continuité est ainsi assurée entre l'offre d'outils informatiques et le développement de compétences en analyse des utilisateurs. Au-delà du challenge scientifique, ces nouvelles fonctions embarquent un challenge humain en lien avec le management d'une équipe de neuf personnes, constituée en grande partie d'informaticiens. Trouver le bon positionnement entre service et recherche, faire évoluer les métiers, recruter, et bien entendu animer l'équipe sont des activités de grande importance dans un contexte où il faut sans cesse s'adapter pour viser l'excellence qui ouvre les voies de la reconnaissance par la labellisation et la participation à de grands projets.

Avancer pour ne pas perdre l'équilibre

Entre ingénierie, management, recherche et développement de collaborations, dans un contexte en permanente évolution, les occasions sont nombreuses d'acquérir de nouvelles connaissances et de travailler avec de nouveaux interlocuteurs. Si cette diversité apporte une grande satisfaction personnelle au bioinformaticien, elle est par ailleurs indispensable professionnellement :"Nous avons l'expertise sur des méthodes qui évoluent tellement vite qu’il devient difficile de former les gens de façon stabilisée. La veille doit être permanente ainsi que le développement de formations". Le travail en réseau est fondamental. Il est facilité par la participation à de grands programmes tels que « France génomique » ou l’« Institut Français de Bioinformatique », et plus modestement par la forte présence, active et ouverte au partage, de la communauté des bioinformaticiens sur des réseaux sociaux tels que Twitter.

Lorsqu'il quitte le bâtiment de l'unité MaIAGE* à Jouy-en-Josas, Valentin ne cesse pas pour autant d'avancer, … il court même… et compte déjà plusieurs grandes distances à son palmarès. L'équilibre ne serait pas complet si l'esprit et le corps ne laissaient pas de place au cœur. C'est ainsi qu’au démarrage de sa carrière à l'Inra, celui qui se destinait au départ à « réparer les vivants » s'est posé une simple question "et qu'est-ce que je fais pour les autres ?". La réponse tient aujourd'hui dans quinze ans d'engagement au service des "Restos du cœur". Ne cherchez pas à lui proposer un rendez-vous le mardi soir car il se consacre aux autres, en tant que responsable de la distribution de plats chauds, non loin du siège de l'Inra. Ni son évolution professionnelle, ni la naissance de ses deux enfants ne l'ont fait renoncer à cet engagement. Pour ce bioinformaticien, le chemin du bonheur passe par la diversité des rencontres. Pas question pour autant de cloisonner vie privée et professionnelle, car c'est finalement tellement passionnant et amusant de pouvoir discuter avec son fromager des bactéries qui font les trous dans l'emmental ou de la diversité bactériologique des différentes appellations de fromages.

* Depuis le 1er janvier 2015, l'unité de recherche MIG (Mathématique, informatique & génome), a fusionné avec l'unité de recherche MIAJ ( Mathématiques et informatiques appliquées) pour donner l'unité de recherche MaIAGE ( Mathématiques et Informatique Appliquées du Génome à l'Environnement), partie prenante des départements "Mathématiques", "Sciences de la Vie", et "Sciences et technologies de l’information et de la communication" de l'université Paris-Saclay

Mini-CV

  • 2001 : Diplôme d’études supérieurs spécialisées en informatique appliqué à la biologie, Université d’Evry
  • 2004 : Ingénieur d’étude, Inra, Unité de recherche Mathématique, informatique et génome
  • 2015 : Ingénieur de recherche, Inra, Responsable de la plateforme « Migale », Unité de recherche Mathématiques et Informatique Appliquées du Génome à l'Environnement. 

Selection de publications

  • Chaillou S, Champomier-Vergès M-C, Cornet M, Crutz-Le Coq A-M, Dudez A-M, Martin V, Beaufils S, Darbon-Rongère E, Bossy R, Loux V, Zagorec M: The complete genome sequence of the meat-borne lactic acid bacterium Lactobacillus sakei 23K. Nat Biotechnol 2005, 23:1527–1533
  • Falentin H, Deutsch S-M, Jan G, Loux V, Thierry A, Parayre S, Maillard M-B, Dherbécourt J, Cousin FJ, Jardin J, Siguier P, Couloux A, Barbe V, Vacherie B, Wincker P, Gibrat J-F, Gaillardin C, Lortal S: The complete genome of Propionibacterium freudenreichii CIRM-BIA1, a hardy actinobacterium with food and probiotic applications. PLoS ONE 2010, 5:e11748
  • Schbath S, Martin V, Zytnicki M, Fayolle J, Loux V, Gibrat J-F: Mapping reads on a genomic sequence: an algorithmic overview and a practical comparative analysis. Journal of Computational Biology 2012, 19:796–813
  • Loux V, Mariadassou M, Almeida S, Chiapello H, Hammani A, Buratti J, Gendrault A, Barbe V, Aury J-M, Deutsch S-M, Parayre S, Madec M-N, Chuat V, Jan G, Peterlongo P, Azevedo V, Le Loir Y, Falentin H: Mutations and genomic islands can explain the strain dependency of sugar utilization in 21 strains of Propionibacterium freudenreichii. BMC Genomics 2015, 16:296
  • Nguyen L, Brun V, Combes F, Loux V, Vandenbrouck Y: Designing an In Silico Strategy to Select Tissue-Leakage Biomarkers Using the Galaxy Framework. Methods Mol. Biol. 2019, 1959:275–289.

Christine JezRédactrice

Contacts

Valentin Loux Responsable de la plateforme de bioinformatique MigaleUR- MaIAGE

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