Société et territoires 3 min

«Terre en jeu» : un jeu de rôle pédagogique autour du foncier agricole

Pour rendre accessible à tous les résultats de ses recherches sur la préservation du foncier agricole périurbain conduites dans le cadre du projet ANR JASMINN, Camille Clément (post-doctorante à l’UMR Innovation du centre INRAE Occitanie-Montpellier) a créé un jeu de rôle, permettant de réfléchir tout en s’amusant à la question de l’accès aux terres agricoles. Elle nous explique dans cet article les origines de ce jeu, la façon d’y jouer et ce qu’il peut apporter à la fois aux joueurs mais aussi à la recherche.

Publié le 29 janvier 2018

illustration «Terre en jeu» : un jeu de rôle pédagogique autour du foncier agricole
© INRAE

Les origines de « Terre en jeu »

Camille Clément a créé « Terre en jeu » dans le cadre de son post-doctorat pour le projet ANR jeunes chercheurs JASMINN qui vise à mieux comprendre les conditions de préservation du foncier agricole périurbain. L’équipe JASMINN a analysé les conséquences sociales des politiques foncières et a identifié des innovations dans les modes de gestion du foncier agricole périurbain. Elle a mené des enquêtes auprès d'agriculteurs et propriétaires fonciers de deux communes périurbaines de Montpellier afin de comprendre leurs modalités d’accès à la terre, notamment les arrangements qu’ils passent entre eux et qui échappent à l’achat/vente ou au fermage (bail verbal par exemple).

Parallèlement à l'écriture de publications scientifiques, elle a eu envie de présenter ses résultats auprès d’un public plus large, même de non-initiés, à l’occasion du Festival International de Géographie à St Dié des Vosges. Elle a  imaginé et mis en œuvre un jeu de rôle recréant un lieu de négociation entre agriculteurs, propriétaires, Maires et promoteurs immobiliers (les joueurs) pour l’accès aux terres agricoles. L’intérêt suscité par son jeu de rôle l’a poussée à aller plus loin :  « Je me suis rendue compte que le jeu pouvait servir ma recherche. J’ai pour objectif d’analyser le sentiment des joueurs vis-à-vis d’un accès inégal au foncier agricole (sentiments d’injustice). Aussi, j’ai été sollicité par des enseignants et des agents de développement pour venir animer le jeu en classe ou dans leur territoire, preuve que le jeu répondait à une demande ».
           
Aujourd’hui, ce jeu est protégé par une déclaration d’invention au sein de l’INRA. Camille Clément l’a conçu au sein du projet JASMINN, notamment avec Coline Perrin et Pascal Thinon, qui sont co-auteurs du jeu, pour leurs contributions sur les profils des joueurs et sur le design du jeu. Auteure principale, Camille Clément tient à souligner que, au-delà des auteurs déclarés du jeu, les membres du projet JASMINN l’ont beaucoup aidée.

Comment y jouer ?

Terre en jeu, jeu de rôle sur le foncier agricole
Terre en jeu, jeu de rôle sur le foncier agricole

« Terre en jeu » est un jeu de rôle qui s’organise autour d’un plateau. Ce dernier représente une commune avec un village central et des parcelles agricoles autour. Le nombre de joueurs est limité à 10 (ou 20 en créant des binômes). Quatre profils d’agriculteurs y sont représentés (un viticulteur, un céréalier, un éleveur et un maraîcher), et quatre profils de propriétaires fonciers (un gros propriétaire, une dame âgée qui veut vendre, un viticulteur à la retraite, une nouvelle habitante). On retrouve également un Maire et un promoteur immobilier qui veut se faire une réserve foncière dans la commune.
  
Les joueurs doivent, en quatre tours de jeu de 7 minutes chacun, atteindre des objectifs qui leur sont indiqués sur une fiche joueur. Les agriculteurs tenteront de s’agrandir ou de s’installer, et les propriétaires de gagner de l’argent ou d’acquérir de nouvelles terres. Pour y parvenir les joueurs peuvent vendre ou acheter des parcelles mais également les louer soit à long terme (le fermage et le contrat ne peuvent pas être rompus pendant le jeu) soit à court terme (contrat qui peut être remis en cause à chaque tour de jeu). A la fin de la partie, le PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui n’était pas stabilisé jusque-là, est voté. Le Maire désigne alors les parcelles qui deviennent constructibles et propose à nouveau sa candidature aux élections, car il doit être réélu pour remplir ses objectifs.
  
Le jeu se termine sur un débriefing qui permet de revenir sur les stratégies développées par les joueurs et sur les conséquences de ces dernières sur le développement agricole de la commune. Ce débriefing offre la possibilité d’aborder les concepts d’attente foncière, de développement des friches, de rente foncière, de spéculation foncière, du rôle du PLU et du rôle du collectif dans une commune. Camille Clément, lorsqu’elle anime le jeu, ne manque pas de préciser les libertés pouvant être prises durant la partie par rapport à la réalité (simplifications pour les besoins du jeu). L’objectif est de mettre en relation la partie fictive avec la réalité des territoires. Ainsi, le jeu permet d’aborder le  fonctionnement du marché foncier agricole périurbain si le jeu est mis en œuvre dans le cadre d’une formation, ou d’imaginer des projets et des solutions de développement si le jeu est mis en œuvre dans un territoire.
Un des objectifs du jeu est de pouvoir être mis en œuvre aussi bien dans la formation initiale (école d’agronomie, formation de géographie) et continue (formation de techniciens territoriaux ou d’élus par exemple), que dans le cadre de la conception de projets de développement dans les territoires.

Ils l’ont testé pour vous

Camille Clément a testé le jeu au FIG, lors du séminaire annuel du projet JASMINN, puis avec des amis et collègues. Ces tests ont permis d’améliorer certains éléments et de tester trois versions successives du jeu. Suite à l’un de ces tests, une amie designeuse lui propose de faire le design du jeu, permettant une grande amélioration d’un point de vue ergonomique. « Suite à mon intervention au FIG en 2016 (thème : un monde qui va plus vite ?), un agent de développement de la fondation rurale de Wallonie (équipe Samois-Ardennes) m’a contactée pour que j’anime le jeu dans son territoire, de façon à y relancer les projets agricoles ».
  
Suivent plusieurs autres interventions :

  • Camille Clément a été sollicitée par Françoise Jarrige, enseignante à SupAgro Montpellier pour animer « Terre en jeu » auprès d’étudiants en deuxième et en troisième année.
  • Animation auprès d’une association ayant un projet d’éco-hameau vers Montpellier
  • Animation (par Coline Perrin)  au sein d’un master de géographie à Bordeaux.

Les retours très positifs de ces expériences ont encouragé le développement du jeu.

L’avenir prometteur du jeu de rôle

Lors de ses études en Master, Camille Clément a été formée aux jeux de rôles comme outil de développement des territoires. Très intéressée, elle espérait pouvoir en développer un dans ses recherches ayant une vie plus longue que ceux qu’elle avait eu la chance d’étudier ou de tester, qui ne durent généralement que le temps d’un projet ou d’une thèse. « Terre en jeu » est aujourd’hui un outil de recherche et de pédagogie générique qui peut être mis en œuvre dans des territoires variés et dans différentes formations.
       
« J’espère qu’il aura une vie plus longue et que je participerai à sa longévité. Pour assurer cet avenir, j’ai monté, avec des collègues du collectif Agricités de l’UMR Innovation, un projet de pré-maturation afin de le développer et d’évaluer la faisabilité de créer une activité indépendante autour de son animation, de sa diffusion, et de la création d’autres outils du même ordre. D'ailleurs, le projet FONCIJEU, financé par la région Occitanie et d’une durée d’un an, va me permettre de continuer à travailler au sein de l’UMR Innovation et de poursuivre son développement (création de nouveaux joueurs, de nouveaux plateaux, etc.). J’espère ainsi diffuser ce nouvel outil de formation et d’animation des territoires ! ».

Aurélie CoenRédactrice

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13 décembre 2019