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Se faire séquencer son génome, comment est-ce possible ?

Trois minutes pour mieux comprendre les puces à ADN, un concentré de technologie et approcher d’un peu plus près les révolutions en cours, dans le domaine agronomique, mais aussi dans le domaine de la médecine.

Publié le 17 juillet 2020

illustration Se faire séquencer son génome, comment est-ce possible ?
© INRAE

Les évolutions technologiques développées pour le secteur de la génétique et de la biologie moléculaire ont bouleversé les pratiques et les perspectives depuis une dizaine d’années. Il est possible de séquencer l’ensemble du génome d’un individu. L’information héréditaire est codée dans la molécule d’ADN grâce à l’agencement sous forme de séquences spécifiques de quatre briques élémentaires, les nucléotides. Leur combinaison variable détermine le code pour les différents gènes ou facteurs de régulation des individus.

Révolution technologique

Depuis une dizaine d’années, la génétique et la biologie moléculaire ont été le théâtre d’une véritable révolution technologique qui est venue bouleverser les méthodologies, les concepts et surtout les perspectives de la science et des développements liés aux génomes.

Le séquençage massif des organismes est aujourd’hui possible. Grâce à de gigantesques bases de données constituées progressivement ces 10 dernières années, on peut attribuer des fonctions pour certains gènes par comparaison à ce que l’on connaît. Des tests sur les organismes entiers permettent de vérifier ensuite les fonctions supposées de ces gènes. Toutefois, la compréhension du fonctionnement global reste compliquée car il n’y a pas que des gènes dans l’ADN d’une part, que beaucoup de fonctions sont multigéniques d’autre part, ou encore parce qu’il existe des fonctions dédiées à la modulation, à la régulation ou à la protection de l’ADN lui-même. Ce travail de catalogage, de repérage des gènes, de rapprochements avec ce qui était déjà connu, a été un travail considérable de l’ensemble de la communauté scientifique, pour faire avancer des connaissances relatives aux génomes.

L’alignement des séquences obtenues par séquençage massif permet de repérer aussi de petites différences (polymorphisme) entre individus d’une même espèce, différences que l’on exploite dans la technologie des puces à ADN.

Le principe des puces

Les puces à ADN reposent sur l’exploitation de petites différences entre individus, lorsqu’une seule brique varie dans des séquences. Ces différences d’un seul nucléotide à un endroit donné du génome sont appelées « SNP » pour « single nucleotide polymorphism ». Le séquençage du génome entier de plusieurs individus d’une même espèce permet de comparer leurs séquences et de repérer ainsi ces petites différences, qui deviennent des « marqueurs moléculaires » pouvant être reliés à des caractères d’intérêts agronomiques.

Les puces actuelles sont (puce haute densité Axiom Affymetrix dans notre exemple) composée de 96 emplacements permettant de tester autant d’échantillons d’ADN d’individus différents (voir photos). Chaque petit carré permet la lecture de l’information de 660 000 marqueurs (SNP). De petits fragments d’ADN comportant les SNP sont déposés et fixés par photo-lithogravure sur la puce, dans un agencement précis qui est reconnaissable par les robots de lecture optique associés (scanners). Sur chaque petit carré est alors appliquée la solution d’ADN à tester, des appariements (hybridations) peuvent se faire le cas échéant avec les marqueurs déposés si des séquences correspondantes sont présentes. Par un mécanisme biochimique simple, une fluorescence est engendrée et peut être repérée par le scanner, ainsi que son emplacement, avec une précision absolue : une sorte de grille de 660 000 informations. Vertigineux ! D’autant que le temps où le laborantin travaillant sur un seul échantillon et mettant en jeu une seule information, à l’aide de mini-tubes à essais, n’est pas si loin.

Toutes les espèces concernées

Cette technologie des puces est un outil d’aide à la sélection. Beaucoup d’espèces sont travaillées ainsi, avec des objectifs précis et des marqueurs précis de fonctions : pour des muscles plus gros, une taille plus grande, des poules qui pondent plus, des chevaux plus performants, un meilleur rendement pour le blé, une résistance au changement climatique pour le maïs… Il est possible de construire aujourd’hui des puces pour toutes les espèces. Ces puces sont fabriquées à façon. On a ainsi accès aux informations de marqueurs moléculaires spécifiques, et on peut donc générer des puces pour des projets personnalisés. Les informations issues de ces marqueurs moléculaires peuvent être utilisées également pour étudier l’histoire évolutive des espèces et construire des arbres phylogéniques. Des candidats ? Dans un avenir proche et qui n’est plus de l’ordre de la science-fiction une médecine personnalisée en fonction de son bagage génétique peut d’ores et déjà être envisagée.

Le coût d’un gibabase de séquence varie selon la technologie de 20 à 90 €. Le coût d’une puce de génotypage à haut débit varie de 3000 à 15000 € selon les espèces et la quantité de puce commandée. Le séquençage d’un organisme de taille moyenne (quelques Gb) prend aujourd’hui moins une semaine.

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Valentin Loux, bioinformaticien, aide les chercheurs à lire dans l'ADN

Valentin Loux est ingénieur en bioinformatique, une vraie double compétence qui allie les sciences informatiques et biologiques. Témoin de la révolution des technologies du séquençage et du développement de la bioinformatique, il s'enrichit au rythme des avancées technologiques pour apporter sa contribution à la recherche, sans tube à essai ni microscope, mais en contact permanent avec les équipes de recherche. Il dirige aujourd'hui la plateforme de bioinformatique Migale du centre Inra Ile-de-France - Jouy-en-Josas

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