Société et territoires 5 min

Pratiques agroécologiques et emploi en agriculture

En France, dans le secteur agricole, alors que la dynamique globale actuelle tend vers une diminution des emplois, des facteurs tels que la performance environnementale des exploitations sont susceptibles d’influencer l’emploi. Une relation qu’explorent des chercheurs INRAE et leurs collègues et dont ils ont exposé les premiers résultats lors du Salon international de l’agriculture 2020, dans le cadre d’une conférence associant INRAE et la Mutualité sociale agricole.

Publié le 27 juillet 2020

illustration Pratiques agroécologiques et emploi en agriculture
© INRAE, Michel Meuret

La protection de l’environnement et des ressources constitue un défi majeur pour l’agriculture qui se doit aussi d’être socialement performante. Est-il possible d’aller vers une agriculture plus verte tout en maintenant voire en développant les emplois ? Les exploitations qui adoptent des pratiques favorables à l’environnement (en particulier les exploitations biologiques) emploient-elles davantage de main-d’œuvre que les exploitations conventionnelles ? Ont-elles recours au même type d’emplois que les autres ? Est-ce le cas dans tous les secteurs d’activité agricole ? Quels sont les facteurs susceptibles d’expliquer ces différences ?

Une relation qui dépend des secteurs de production

La relation entre les performances environnementales, évaluées de façon multifactorielle (modes d’usage des sols, utilisation d’intrants, chargement…) et l’emploi dépend notamment des secteurs de production. Les exploitations laitières qui ont une très forte performance environnementale emploient plus de main d’œuvre que les autres. A l’inverse, les exploitations en grandes cultures qui adoptent des pratiques plus vertueuses pour l’environnement sont moins intensives en travail que les exploitations conventionnelles.

Les exploitations biologiques emploient plus que les conventionnelles selon les secteurs

Les exploitations biologiques, dont les pratiques sont favorables à l’environnement, emploient plus que les exploitations conventionnelles en bovin lait et viticulture mais moins en maraîchage. Par ailleurs, elles n’emploient pas le même type de travailleurs que les conventionnelles.

Ces différences peuvent s’expliquer par des tailles différentes, des activités de diversification – transformation, vente en circuits court…, la localisation (zone de plaine ou de montagne) ou encore le mode de production.

Une analyse économétrique à même de contrôler les effets de taille, circuits de transformation ou de vente… montre que l’AB implique, toutes choses égales par ailleurs, plus d’emplois par unité de surface ou de bétail que l’agriculture conventionnelle, notamment en bovin lait et en viticulture. En maraîchage, les situations sont contrastées et le recours plus important au travail est essentiellement le fait des exploitations qui pratiquent la culture de plein air. Par ailleurs, les exploitations biologiques sont davantage engagées dans des démarches de commercialisation en circuits courts et de diversification. Des pratiques de travail plus intensives se substituent à l’usage d’intrants de synthèse. Autant de sources d’emplois supplémentaires.

La filière laitière, un concentré de mutations agricoles

La filière laitière connait depuis des années d’importantes restructurations avec, de façon rapide et importante, une concentration géographique de la production et une forte concentration du cheptel et des volumes de lait par exploitation.

Les données portant sur quelque 50 600 exploitations laitières pour un total de 58 462 (CNIEL, 2015) ont été analysées : surface de cultures, cheptel bovin, main d’œuvre, certification AB….

Entre 2010 et 2014, phase de sortie progressive des quotas laitiers, la restructuration des exploitations de production de lait de vache a entraîné la perte de 13 500 emplois, soit environ - 9 %, du fait, notamment, de fortes hausses des volumes de lait par Equivalent temps plein ou ETP (on parle de productivité volumique) en plaine comme en montagne et dans tous les types de systèmes de production. Ces pertes d’emplois ont essentiellement concerné la main-d’œuvre non salariée (exploitants, co-exploitants ou conjoints) alors même que l’emploi salarié augmentait dans le même temps.

La taille des exploitations, la nature des systèmes et la diversification sont des facteurs susceptibles d’affecter ces résultats : les effets de taille sont moindres ; en revanche, la localisation en zone de montagne, la production herbagère et l’AB impliquent plus d’emplois pour un même volume de lait et ces effets se cumulent, que ce soit en livraison ou en vente directe. La productivité volumique de ces exploitations est inférieure mais elles font vivre plus d’actifs. Cela peut être dû, en AB, à une meilleure valorisation du lait et en herbager, à des charges fixes réduites.

Si la dynamique globale actuelle est bien celle d’une réduction des emplois agricoles, certaines contre-tendances semblent plutôt favorables à l’emploi, comme la diversification des activités, les circuits courts ou encore l’inscription dans des filières de qualité. L’adoption de pratiques vertueuses pour l’environnement (système herbager, AB) peuvent aussi être propices à l’emploi et permettant alors aux exploitations de développer des systèmes gagnant-gagnant.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier : Travail et emploi en agriculture

 

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Cécile Detang-Dessendre Centre d'Economie et de sociologie rurales appliquées à l'agriculture et aux espaces ruraux (INRAE, AgroSup Dijon)

Jean-Noël Depeyrot Centre d'études et de prospective, Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

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