Agroécologie 5 min

Les microfermes, un projet de vie au cœur d’un territoire

Kevin Morel et les microfermes, c’est une longue histoire qui a grandi au cœur des régions. Comprendre la motivation des maraîchers et les stratégies qu’ils développent pour garantir la viabilité de leur projet telle est la question qui, au fil des ans, a rythmé son travail de thèse et sur laquelle il revient.

Publié le 06 janvier 2017

illustration Les microfermes, un projet de vie au cœur d’un territoire
© INRAE

Que diriez-vous de toutes les microfermes que vous avez explorées ?

Kevin Morel
Kevin Morel

 

"Nous avons travaillé avec une vingtaine de microfermes situées au nord de la Loire, de la Bretagne à l’Alsace. Si ces microfermes ont en commun d’être installées sur de très petites surfaces, peu ou pas mécanisées, de produire une grande diversité de cultures vendues en circuits courts et de mettre en œuvre des pratiques agroécologiques, elles reposent sur des choix stratégiques très diversifiés : techniques mises en œuvre, modalités d’investissement, organisation du travail, commercialisation ou encore ancrage territorial. Tous ces choix sont interdépendants et font d’un exemple particulier un projet de vie singulier, qui, bien au-delà de critères technico-économiques, répond aux aspirations des maraîchers en termes d’engagements, de qualité de vie ou encore d’autonomie."

Comment avez-vous évalué la viabilité de ces fermes et plus largement des pratiques dont elles sont porteuses ?

K. M. : A partir des données chiffrées (temps de travail, rendement, données comptables, plan de culture….) collectées auprès d’une dizaine de ces microfermes, nous avons développé un modèle de simulation pour explorer un grand nombre de scénarios combinant des systèmes techniques (micromaraîchage manuel, maraîchage biologique intensif ou maraîchage diversifié classique), des stratégies de commercialisation (production sur 12 mois avec légumes de conservation, production sur 9 mois sans légumes de conservation) et d’investissement (bas et hauts coûts) différents au cours de deux périodes dans la vie de la ferme (installation et routine). Nous avons ensuite évalué leur viabilité économique, c’est-à-dire leur capacité à générer un revenu allant de 600 à 1400 € par mois et par personne pour un temps de travail de 1800 h soit 39 h par semaine et 5 semaines de congés ou 2500 h.

Quels enseignements pouvez-vous tirer de ces travaux ?

K. M. : Cette étude montre avant tout qu’il est possible de s’installer et de créer une activité agricole viable sur une surface inférieure à ce que l’on considère comme habituellement rentable. Les systèmes de micromaraîchage manuel et de maraîchage biointensif ont de meilleures chances de viabilité que les systèmes de maraîchages classiques dans les simulations réalisées. Cependant, les investissements à bas coût misant sur l’autoconstruction et l’achat d’occasion peuvent se révéler très vite chronophages et sont, comme la culture de légumes de conservation par rapport à celle de légumes primeurs, susceptibles de réduire cette rentabilité. Rien n’est cependant jamais certain et de nombreux éléments (planification des cultures, nature des sols, aléas climatiques, compétences du maraîcher…) sont autant d’éléments susceptibles d’influer cette viabilité.

Pour preuve, ces microfermes, comme le Bec Hellouin, témoignent d’un long processus d’apprentissage et de mise à l’épreuve du réel d’un projet de vie voire d’une autre vision du monde. De tels projets, ancrés dans la réalité des contraintes et des atouts de leur lieu de productions et de leur environnement, ne peuvent voir le jour et perdurer sans une réflexion profonde et une vigilance constante qui amènent parfois à accepter de faire certains compromis par rapport à des idéaux.

Catherine FOucaud-ScheunemannRédactrice

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