Société et territoires 4 min

L'eau en milieu agricole Outils et méthodes pour une gestion intégrée et territoriale

PARUTION - L’ouvrage aborde la gestion de l’eau en milieu rural en termes d’objectifs et de démarche, puis fait un panorama large des outils, des méthodes et des données actuellement disponibles. Enfin, il décrit des exemples de mises en œuvre dans différents cas d’étude. 

Publié le 25 juin 2020

illustration L'eau en milieu agricole Outils et méthodes pour une gestion intégrée et territoriale
© INRAE

L’eau est un enjeu majeur dans de nombreuses régions du monde du fait de besoins en forte croissance, mais aussi de la rareté et de la dégradation des ressources disponibles. L’agriculture étant le premier usager de la ressource en eau, la durabilité de la gestion de l’eau en milieu rural est cruciale. Elle nécessite de dépasser les approches sectorielles, encore largement en cours malgré divers courants appelant à une gestion intégrée, territoriale ou adaptative de la ressource. Prenant acte que la mise en œuvre des concepts proposés par ces différents courants est rarement effective et qu’il est plus pragmatique de rechercher la meilleure coordination possible entre les parties prenantes de la gestion de l’eau, cet ouvrage collectif analyse les enjeux, outils et démarches permettant de faciliter et d’accompagner cette coordination. En effet, une coordination effective et acceptée nécessite des méthodes et outils pour informer sur l’état de la ressource et des usages, rendre visible l’importance des enjeux, évaluer les effets et les expliquer, structurer les échanges, et élaborer et discuter des actions de gestion.

Les coordinateurs de l’ouvrage effectuent à INRAE des recherches à l’interface de l’hydrologie, de l’agronomie et des sciences de gestion. Delphine Leenhardt, directrice de recherche à l’UMR AGIR, s’intéresse à la gestion quantitative de l’eau en agriculture. Marc Voltz, directeur de recherche à l’UMR LISAH et professeur consultant à Montpellier SupAgro, étudie les impacts de l’agriculture sur les ressources en eau et en sols. Olivier Barreteau, directeur de l’UMR G-EAU, s’intéresse aux processus de gouvernance locale de l’eau. Ils se sont entourés pour la rédaction de cet ouvrage de plus de cinquante spécialistes de gestion de l’eau ou de gestion agronomique.

Editions Quae – coll. Synthèses – 288 pages, juin 2020 – 39 euros

 

EXTRAITS

• Choix des espèces et des variétés cultivées

Il s’agit d’un choix crucial qui influe fortement sur les besoins en intrants. En effet, la consommation en eau des cultures dépend pour l’essentiel de la position temporelle, de la durée de leur cycle et du climat moyen pendant ce cycle (Amigues et al., 2006). Ainsi, le choix d’espèces et de variétés à cycle de développement raccourci ou décalé par rapport aux périodes à fortes demande climatique limite les besoins en eau, et donc en irrigation, notamment durant les périodes de fortes tensions sur la ressource en eau. La culture d’espèces tolérantes au stress hydrique, en raison d’une tolérance physiologique intrinsèque comme le tournesol ou le sorgho, ou de capacités élevées d’enracinement et d’extraction de l’eau du sol comme la vigne ou la luzerne, limite aussi le risque de pertes de rendement en périodes de fortes contraintes sur la ressource en eau disponible.

Le choix d’espèces et de variétés est tout aussi déterminant pour préserver la qualité de l’eau

Le choix d’espèces et de variétés est tout aussi déterminant pour préserver la qualité de l’eau. Par exemple, l’introduction de légumineuses en association avec d’autres espèces ou dans une rotation, ainsi que la mise en place de cultures intermédiaires pièges à nitrates permettent de réduire les besoins en fertilisants azotés, ou de réduire les risques de lixiviation de l’azote vers les eaux. Enfin, la sélection variétale est considérée comme un levier important dans le plan Ecophyto* pour identifier des variétés résistantes aux bioagresseurs et ainsi réduire l’usage des pesticides et leurs impacts en matière de contamination de l’environnement. Toutefois, ces choix risquent d’induire une baisse du rendement maximum atteignable ou d’obliger à terme à des changements significatifs dans les filières de production sur un territoire donné.

*Le plan Écophyto vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en France tout en main- tenant une agriculture économiquement performante. https://agriculture.gouv.fr/ecophyto (consulté le 2 décembre 2019).

• Sur le plan de la gestion quantitative, les aménagements paysagers ont toujours été réalisés pour accroître la ressource en eau disponible pour les cultures. Dans de nombreux pays du monde, les versants sont aménagés en banquettes ou avec des réseaux de talus pour limiter le ruissellement et augmenter la recharge en eau des sols. En France, où les banquettes sont peu fréquentes ou abandonnées, les agriculteurs réclament l’installation de retenues collinaires, déjà existantes dans certaines régions, pour fournir de nouvelles ressources en eau d’irrigation. C’est un levier important qui peut permettre d’éviter des prélèvements dans les rivières ou les nappes durant les périodes d’étiage. Pour cela, il faut toutefois que les retenues captent essentiellement de l’eau qui serait naturellement sortie du bassin versant durant la période pluvieuse et non celle qui alimente les nappes, sources des débits d’étiage en été.

Au plan de la gestion qualitative, de nombreuses infrastructures paysagères sont envisageables pour restaurer la qualité de l’eau ; leur fonction est celle de dispositifs tampons qui éloignent les lieux d’épandage des zones vulnérables à la contamination (rivières, zones d’habitation). Pour la plupart, leur rôle est aussi de favoriser la décontamination de l’eau par rétention, transformation et dégradation des substances polluantes (Maillet-Mezeray et Gril, 2010). Les zones non traitées et les bandes enherbées correspondent à de tels dispositifs qui sont intégrés dans la réglementation relative à l’utilisation des pesticides (arrêté du 12 septembre 2006) et dans les mesures agri-environnementales et climatiques de la politique agricole commune de l’Union européenne. Ils peuvent être complétés par des fossés végétalisés et par des zones humides naturelles ou artificielles. Toutes ces infrastructures ont un effet démontré de filtre pour les pesticides par leur capacité de rétention des molécules polluantes et par leur activité biologique favorable à la dégradation des composés organiques. Les zones humides sont de surcroît reconnues comme des milieux permettant la dénitrification et donc l’élimination des nitrates, en quantités limitées toutefois (Peyraud et al., 2014). Enfin, il est utile de citer, au-delà de l’implantation volontaire de zones tampons, l’exploitation de l’ensemble des espaces interstitiels des parcelles et de leur biodiversité. Dans le cadre d’une gestion agroécologique du paysage, ces espaces peuvent aider à réduire la pression des bioagresseurs des cultures (Veres et al., 2013) et ainsi limiter le besoin d’intrants et les risques consécutifs aux fuites de contaminants.

• Dans le cas de la gestion intégrée de l’eau, il est en effet crucial de comprendre pourquoi et comment les usagers de l’eau et des milieux naturels se coordonnent pour prendre des décisions et quelles sont leurs motivations. Bien sûr, ces diffé- rentes approches se révèlent souvent très complémentaires. En effet, aujourd’hui, il n’est pas rare d’introduire dans une analyse coûts-bénéfices des résultats de simulations issus d’un modèle intégrant des hypothèses comportementales validées par des expériences de laboratoire et de terrain. C’est l’intégration de ces différents outils qui rend les conclusions de l’analyse économique plus robustes et pertinentes.

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