Bioéconomie 3 min

Jusqu’où la France pourrait-elle produire plus de gaz « vert » demain et à quel prix ?

Le 9 juillet 2019, le Groupe de travail ‘Verdissement du gaz' du Comité de prospective de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), co-présidé par Philippe Mauguin, PDG de l’Inra, et Olivier Appert, délégué général de l’Académie des Technologies, a restitué ses travaux. Son rapport sur le gaz vert, à la jonction entre les secteurs de l’énergie et le monde agricole, envisage quel développement pourraient prendre les différentes filières de gaz renouvelable à l’horizon 2035, sans affecter la production alimentaire et sans impact négatif sur l’environnement.

Publié le 25 juillet 2019

illustration Jusqu’où la France pourrait-elle produire plus de gaz « vert » demain et à quel prix ?
© INRAE, MAITRE Christophe

Le gaz représente en 2019 un cinquième de l’énergie finale consommée en France et sa combustion émet un cinquième des émissions de gaz à effet de serre du pays. C’est pourquoi le premier groupe de travail du Comité de prospective de la CRE, « mix énergétique », a consacré ses travaux de 2019 au développement des filières du gaz renouvelable à l’horizon 2035. Il montre qu’il serait réaliste de « verdir » 10 % de la consommation française de gaz en 2030 (soit environ 40 TWh). Ce verdissement n’impacterait pas la production agricole à vocation alimentaire et n’aurait pas d’impact négatif sur l’environnement. Il pourrait être obtenu à un coût (environ 60 €/MWh) justifié compte-tenu des co-bénéfices qu’il créerait. À plus long terme, la production de gaz vert pourrait continuer à croître à la faveur de l’essor de l’utilisation de certaines ressources dédiées (cultures intermédiaires à valorisation énergétique) et de technologies nouvelles.

La méthanisation est aujourd’hui la technologie la plus mature

Trois principales filières ont été étudiées : la méthanisation, la pyrogazéification et la technologie du power-to-gas. La méthanisation est aujourd’hui la technologie la plus mature et la plus prometteuse, avec plus de 700 unités en fonctionnement en France et plus de 10 000 en Allemagne. Son développement est rapide et soutenu par les pouvoirs publics. La méthanisation consiste à produire du biogaz par fermentation anaérobie de matières organiques (effluents d’élevage, résidus de cultures ou d’industrie agroalimentaire par exemple). Elle illustre l’implication du monde agricole dans la production d’énergie renouvelable. En outre, les installations de méthanisation initient dans les territoires des dynamiques d’économie circulaire et de traitement de déchets, et elles contribuent à la transition agro-écologique, notamment en favorisant le bouclage des cycles des nutriments.

Le modèle économique de la méthanisation, dont les coûts de production actuels se situent entre 90 et 120 €/MWh, prend tout son sens à condition d’intégrer les coûts évités et les externalités, de l’ordre de 40 à 70 €/MWh selon les premières estimations disponibles. Il s’agit, pour les postes les plus importants, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; de la limitation de la pollution des eaux par le nitrate ; de la réduction des coûts de traitement des déchets ; de la contribution au développement économique local et à la création d’emplois ; de l’amélioration du bilan environnemental du secteur agricole (l’épandage des digestats issus de la méthanisation limite l’usage d’engrais de synthèse, les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont favorables à la biodiversité, etc.). Enfin, la méthanisation produit une énergie durable, non variable et stockable ; elle rentabilise les réseaux de gaz existants car le biogaz peut, après épuration, être injecté dans les infrastructures existantes. Il peut aussi être utilisé directement sur le site de production, favorisant ainsi l’autonomie énergétique des exploitations.

La pyrogazéification et la technologie du power-to-gas sont des technologies de rupture. Les résultats de recherches en cours et à venir et l’analyse des résultats obtenus pour des installations pilotes de taille industrielle permettront d’affiner les potentialités des filières correspondantes, notamment en précisant les évaluations économiques des coûts de production associés.

Le groupe de travail se composait d’une trentaine de personnes issues du monde industriel, économique ou académique, dont deux experts Inra. Le rapport produit sous la responsabilité des deux co-présidents reflète ainsi les positions des principaux acteurs privés ou publics du secteur de l’énergie ou de l’économie agricole en France. Il tient compte, autant que possible, des différences de perspectives et des incertitudes, encore importantes, concernant certaines options.

À la suite de ce rapport, des pistes pour des travaux complémentaires ont été identifiées, qui permettraient d’affiner les scénarios étudiés par le groupe de travail, par exemple grâce à des analyses économiques détaillées sur les technologies de rupture (pyrogazéification, power-to-gas, capture et stockage de carbone, etc.). Des perspectives sont également envisageables pour l’Inra : réalisation de nouvelles analyses du cycle de vie de la méthanisation, enrichissant les données existantes sur la prise en compte des fuites et le devenir des digestats ; évaluation du potentiel de ressources sur le territoire pour produire du biogaz dans des conditions respectueuses de l’environnement ; évaluation des externalités du gaz vert en vue de leur prise en compte par les politiques publiques.

Vers le communiqué de presse

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