Bioéconomie 4 min

Entre pollution et innovation, le plastique cherche sa place

Le vendredi 3 juillet est la Journée mondiale sans sacs plastique. Les scientifiques INRAE cherchent des solutions pour lutter contre la pollution plastique, notamment en développant des emballages biodégradables innovants, et en anticipant la totalité de leurs impacts dès leur conception. Entretien avec Nathalie Gontard, chercheuse spécialiste du plastique sans plastique et zéro déchet.

Publié le 30 juin 2020

illustration Entre pollution et innovation, le plastique cherche sa place
© Adobe Stock

Quelle est la situation en 2020 avec le retour en force du plastique lié au contexte Covid ?

En dépit de la loi du 1ᵉʳ janvier 2020 relative à l’interdiction de l’utilisation de certains objets plastique à usage unique (pailles, couverts…), la crise sanitaire liée au coronavirus a boosté les ventes de produits jetables : masques, gobelets à usage unique, emballages sous films plastiques, écrans de protection en plexiglas… Le plastique jetable s’impose comme le matériau hygiénique de circonstance.

La crise sanitaire est venue nous faucher en pleine cure de désintoxication mondiale du plastique. Les intérêts économiques sont tels que certains industriels n’hésitent pas à surfer sur la vague du Covid pour demander le retrait des lois visant à interdire les plastiques à usage unique. Gardons le cap, les alternatives existent. Le lavage d’un masque en fibres naturelles reste la forme de recyclage la plus efficace pour éliminer les contaminants, notamment viraux, la plus économe sur le plan économique et environnemental, et aussi la plus accessible à tous.

N’oublions pas que le risque majeur lié à l’utilisation du plastique ne réside pas seulement dans l’émission de CO2 pendant son cycle de vie, mais surtout dans sa capacité à générer une pollution aux micro et nano particules sur plusieurs siècles. « Recycler » n’est pas la solution idéale : en redonnant à un objet les propriétés qu’il avait avant usage, nous ne savons pas éviter la dégradation des microfibres synthétiques au cours de leur utilisation.

En quoi consistent vos recherches ?

Une ambition : développer l’emballage « idéal » sur les plans économique, écologique et sociétal

Dans les années 70, il y a eu un véritable engouement pour le plastique, pratique et peu cher, sans se soucier du devenir des tonnes de déchets enfouis dans le sol et aux particules qui envahissent les océans. Il est vital de travailler sur le devenir des plastiques sur le très long terme. Depuis 30 ans, mes recherches consistent à promouvoir une balance positive coûts-bénéfices sur le plan environnemental, sanitaire et économique, des plastiques utilisés dans l’agro-alimentaire.

Concrètement, je cherche à comprendre leur rôle positif (réduction des pertes et gaspillages alimentaires, optimisation de la sécurité) pour pouvoir changer nos pratiques d’emballages ou de culture. L’objectif est de réduire sur des bases rationnelles, leur utilisation au juste nécessaire et maintenir à moindre coût, leurs bénéfices.

Film biodégradable fabriqué à partir de résidus de l'agriculture

Parallèlement, je développe des matériaux écologiques alternatifs comme des matériaux biodégradables issus de ressources renouvelables non alimentaires et qui ne présentent pas le risque de finir en particules fines. Nous veillons à ce que ces matériaux s’insèrent dans une hiérarchie des déchets, prérequis indispensable à une économie circulaire. Ils sont réutilisables, recyclables et capables de réintégrer naturellement le cycle du carbone en fin de vie.

À INRAE, notre ambition est de développer une boucle vertueuse en agriculture en utilisant le cycle naturel de la biodégradation et de la photosynthèse. Nous développons des matériaux biodégradables uniquement en conditions naturelles. Nous militons aussi pour ne pas prélever des ressources alimentaires comme c’est le cas actuellement des bioplastiques fabriqués à partir d’amidon de maïs. Nous utilisons les résidus que l’agriculture et l’agro-alimentaire ne valorisent pas par ailleurs comme les sarments de vigne, les lisiers, certaines pailles, résidus végétaux etc. pour produire des bioplastiques biodégradables.

Et comme les déchets ne connaissent pas de frontières, je coordonne des recherches à l’échelle européenne et internationale, notamment avec la Chine, pour contribuer à résoudre le problème des déchets plastiques (par exemple, le projet NoAW zéro déchet agricole).

Quelles seraient les priorités d’actions pour lutter efficacement contre la pollution plastique ?

La première priorité est à mon avis la dimension politique. Il est nécessaire d’informer le citoyen comme cela a été fait pour l’amiante, la cigarette, l’alcool, les cinq fruits et légumes par jour ou encore l’exercice physique. Des campagnes d’information objectives sur l’impact des plastiques sur le long terme et leur dangerosité pour les générations à venir sont un prérequis aux actions individuelles - dont le nombre pourra faire levier sur la loi du marché - et collectives, que ce soit une convention citoyenne ou une contrainte règlementaire.

La première priorité : informer les citoyens

La seconde priorité ex-aequo est de simultanément mettre en place un groupe d’experts internationaux sur l’impact de la pollution aux particules fines, notamment de plastique, à l’image du GIEC pour le réchauffement climatique, pour communiquer largement les points de vue d’experts multidisciplinaires.

La troisième priorité ex-aequo est de s’appuyer sur la capacité d’anticipation et d’innovation de la recherche pour soutenir toutes les solutions capables de nous aider à lutter contre la pollution plastique.

Interdiction des plastiques non essentiels, développement de pratiques agricoles et agro-alimentaires frugales en plastique, substitution par des matériaux bénins, réutilisation, recyclage mécanique, recyclage enzymatique, compostage, biodégradation, nettoyage des stations d’enfouissement, pyrolyse … sont autant de cordes à notre arc anti-pollution plastique, qui doivent être explorées dans toutes leurs dimensions, en les gardant des compétitions d’ordre commercial. Nous avons pris énormément de retard en recherche et développement sur ce sujet et allons être certainement amené à mettre les bouchées doubles dans un avenir très proche.

Valérie Goulette

Contacts

Nathalie GontardIATE INGÉNIERIE DES AGROPOLYMÈRES ET TECHNOLOGIES EMERGENTES

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