Biodiversité 5 min

Le datura, une plante à hauts risques

Confondre végétaux comestibles et végétaux toxiques sauvages peut provoquer des empoisonnements plus ou moins graves. Cet été encore, une famille a failli être victime d’une plante particulièrement nocive, le datura. Apprendre à la reconnaître, comprendre pourquoi et comment elle peut s’immiscer dans la chaîne alimentaire, envisager comment la gérer dans les cultures… Autant de points sur lesquels Xavier Reboud, chercheur INRAE en agroécologie, nous éclaire.

Publié le 06 août 2020

illustration Le datura, une plante à hauts risques
© TeunsSpaans, GNU Free Documentation License, Version 1.2

Mi-juillet, 4 personnes d’une même famille ont cueilli dans leur jardin potager puis consommé ce qu’elles pensaient être des feuilles de tétragone cornue (Tetragonia tetragonoides, famille des aizoacées), encore appelée épinard de Nouvelle-Zélande, alors qu’il s’agissait de datura (Datura stramonium, famille des solanacées), une plante sauvage extrêmement toxique. Toutes les parties de celle que l’on nomme aussi l’herbe du diable sont toxiques et contiennent 3 puissants alcaloïdes (l’atropine, la scopolamine et l’hyoscyamine). Ceux-ci induisent, très rapidement après l’ingestion, des signaux marqués de malaise (dessèchement des muqueuses, perte de l’équilibre, pupilles dilatées, le tout suivi d’un délire et d’un coma) qui peuvent entraîner la mort.

Datura ou épinard de Nouvelle-Zélande ? Évitez la confusion qui peut vous envoyer à l'hôpital !

À la base de la confusion, deux points sans doute : datura et tétragone sont des espèces annuelles qui apprécient les températures clémentes, voire estivales et les sols sableux, ce qui en fait des plantes présentes en jardin ; ensuite, les plantules des 2 espèces peuvent présenter une vague similitude de forme mais cette ressemblance ne tient pas avec une observation plus attentive.

Comme le rappelle si bien Xavier Reboud, chercheur INRAE en agroécologie, « ce n’est pas parce qu’une plantule émerge là où on a semé qu’elle est issue du lot semé ». Dans le sol d’un jardin, même bien désherbé et entretenu régulièrement, les stocks de semences présentent des densités d’espèces adventices (plus connues sous le nom de mauvaises herbes) souvent proches de 5 000 semences par m2 ; aussi les semis réalisés ne représentent-ils généralement qu’une petite fraction de ce qui peut lever !

Dans le cadre d’une expertise convoquée par l’Anses et à laquelle X. Reboud a participé, une fiche soulignant les différences majeures entre ces deux espèces a été élaborée. Tige, feuille, fleur, fruit, plantule, graine ou encore répartition géographique du datura et de la tétragone cornue y sont minutieusement comparés à l’aide d’images et d’un texte explicatif.

Lien vers le document de l'ANSES

Datura stramonium n’en est pourtant pas à son premier coup ! Il a déjà fait l’objet de plusieurs alertes concernant différentes denrées alimentaires.

Quand le datura contamine des denrées alimentaires

En France, des lots de farine de sarrasin, aussi appelé blé noir, contaminée par des graines de datura, ainsi que des surgelés ou conserves de légumes pollués par des fragments de plante ont été, parmi d’autres, retirés précédemment du marché.

Pourquoi ces deux familles de denrées alimentaires, assez différentes, sont-elles davantage touchées que d’autres ? S’appuyant sur la biologie et l’écologie du datura, X. Reboud nous explique pourquoi et comment le datura contamine les denrées alimentaires.

Une vigilance de tous les instants

En France, le datura affectionne les cultures d'été, maïs et tournesol, ou encore les cultures de légumes de plein champ. « Sa gestion doit privilégier des approches préventives et se déployer dans toutes les cultures de la rotation et pas uniquement lorsque l'invasion s'avère déjà trop avancée », conseille X. Reboud. Depuis peu, les progrès de l'analyse d'image ont permis aux agriculteurs de faire appel à des sociétés de service qui fournissent une cartographie des pieds de datura présents dans les parcelles de culture, par exemple maïs et haricot (https://www.telespazio.fr/fr/geoadventice). 

Dans la nature comme au jardin, la cueillette des plantes n’est pas non plus sans risques.
« Il faut vraiment apprendre à reconnaitre le datura, une plante très caractéristique aux grandes fleurs blanches, qui est un peu l’amanite phalloïde côté plante », insiste X. Reboud. « La forte odeur vireuse de ses feuilles doit aussi questionner les jardiniers et les récolteurs de plantes sauvages ! »

Datura ou épinard d’été, colchique ou ail des ours, marron d’Inde ou châtaigne… comme pour bien d’autres plantes, un homme (une femme) averti(e) en vaut deux !

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Xavier Reboud UMR Agroécologie (INRAE, AgroSup Dijon, Univ. Bourgogne, CNRS)

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