illustration Christian Huyghe, le sel de la recherche
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Agroécologie 5 min

Christian Huyghe, le sel de la recherche

Il a le regard bleu azur, rieur, et ne conçoit la vie qu’à toute vitesse ! De la recherche en sélection végétale à la transmission des savoirs aux filières et instituts techniques, de l’enseignement à l’appui aux politiques publiques, Christian Huyghe déborde d’activités, et a un seul crédo : donner du sens à chacune des actions qu’il pilote.

Publié le 12 avril 2016

Le choix de l’agronomie s’est fait assez naturellement pour ce fils d’agriculteur. Celui de l’amélioration des plantes a été motivé par une rencontre avec Yves Hervé, professeur à l’École nationale supérieur agronomique de Rennes, dont l’humanité l’a fortement marqué : « j’ai adoré l’homme avant la discipline. Il m’a appris que la recherche est là pour apporter le progrès aux utilisateurs ». Et Christian Huyghe l’assure avec certitude : « La carrière repose sur la somme des gens qu’on a la chance de rencontrer, et j’ai croisé des tas de gens exceptionnels ! » Mais à n’en pas douter, c’est aussi une profonde conviction confortée au fil des années qui guide ses choix : celle de promouvoir l’innovation, le transfert des connaissances et la formation pour développer l’agriculture de demain.

Semer les graines de l’innovation

Répondre aux attentes de demain, sinon on est déjà en retard !

Christian Huyghe est un homme pressé ! Deux ans et trois mois lui suffiront pour soutenir sa thèse réalisée à l’Inra de Versailles et caractériser un phénomène de biologie cellulaire qui n’avait jusqu’alors encore jamais été décrit : la polyembryonie haploïde-diploïde chez le lin. À l’époque une publication chinoise révèle que la technique des « haploïdes doublés », utilisée pour raccourcir le cycle de sélection variétale, est possible chez le lin par culture in vitro : « on réalise très vite que cela est faux, on a alors cherché une autre voie ». Une opportunité se présente lorsqu’il demande à une équipe australienne de lui envoyer des graines, tout juste obtenues par croisement chez une population de lin, pourvues d’embryons diploïdes et haploïdes : « cela a rendu possible des études cytologiques. » Une chance qu’il a su saisir et qui a conduit à une méthode de sélection encore utilisée aujourd’hui !
Recruté comme chercheur à l’Inra de Lusignan en 1987, il y mène jusqu’en 2003 des travaux sur l’amélioration génétique des plantes : d’abord le lupin blanc, puis la luzerne et les prairies. Il fut également directeur d’unité et Président du centre Inra Poitou-Charentes. En science végétale ou animale (1), pour lui la vocation est toujours la même : « répondre aux attentes de demain, sinon on est déjà en retard ! Il faut trouver un équilibre entre la recherche et les besoins des utilisateurs. »

Cultiver les liens avec la société

Christian Huyghe répond aux questions d'une journaliste au Salon international de l'Agriculture

Une impulsion qu’il choisit aussi de donner à ce qu’il appelle « sa vie parallèle » : « je m’active à tisser et densifier les relations avec les partenaires socio-économiques et réglementaires ». Dès 1997, il s’exerce en prenant la tête du groupe filière Fourrages et prairies à la demande de Guy Riba, lequel a occupé différentes fonctions de pilotage scientifique à l’Inra. Ou encore à la Présidence du groupement d’intérêt public Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (GIP Geves) et au sein du Comité technique permanent de la sélection (CTPS), dont il est acteur depuis les années 1990 : « ce qui me passionne au CTPS, c’est que la réglementation sert à orienter un projet co-construit avec tous les porteurs d’enjeux réunis pour en débattre. J’ai pris conscience qu’elle oblige à penser loin, à discuter, et que le consensus mou n’est pas la bonne option. »

« Donner à voir, donner à discuter », F. Houllier, PDG Inra

Il est aussi dans son élément en travaillant sur le volet réglementaire du projet Ecophyto 2 (2), et la délicate mise en place des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques qui attribuent une valeur aux pratiques vertueuses : « cette fonction est un peu une "tour de contrôle" ! La recherche a un rôle de pivot : venir en appui aux politiques publiques et être garant du système pour les partenaires socio-économiques. Comment assurer une cohérence pour que tous se sentent acteurs du progrès ? »
Une mission dont il prendra toute la mesure en 2010 quand Marion Guillou, alors Présidente-directrice générale de l’Inra, lui propose le poste de directeur scientifique adjoint Agriculture de l’Inra aux côtés d’Hervé Guyomard, directeur scientifique Agriculture : « notre binôme est dans un tourbillon permanent au cœur de l’Institut et de ses connexions structurantes avec les partenaires extérieurs. »

Partager la récolte des savoirs

Car ce qui le préoccupe, c’est transmettre les fruits des progrès scientifiques aux utilisateurs finaux. Avec trois enjeux : faire des partenariats publics/privés un moteur de l’innovation, soutenir les activités des instituts techniques agricoles pour les rendre plus visibles (3), et favoriser la valorisation des données massives, ce qui passe par l’interopérabilité des systèmes d’information.
Sa vision de l’innovation est en effet indissociable de la diffusion du savoir. C’est dans cette optique qu’il lance en 2006, une nouvelle fois sous l’impulsion de Guy Riba, les Carrefours de l’innovation agronomique : « le besoin était de donner une plus grande visibilité de nos recherches aux professionnels du monde agricole. » Il propose la tenue de colloques sur la thématique Agriculture associés à la publication d’une revue électronique. Depuis 2010, les carrefours se déclinent aussi en

favoriser la transmission des savoirs aux professionnels

Alimentation, puis Environnement en 2011. « Notre objectif est de ne pas limiter le débat aux chercheurs pour favoriser la transmission des savoirs aux professionnels, leur discussion et leur appropriation. »
Pour lui, l’autre composante fondamentale de l’innovation réside dans la formation : « les utilisateurs vont adopter quelque chose de nouveau s’ils le comprennent, et il sera encore mieux compris si la formation initiale s’en empare ».

Et maintenant ? Il continue de voir plus loin, de s’ouvrir à d’autres horizons, comme au sein du Conseil scientifique d’un consortium européen sur la bioéconomie, qu’il découvre avec passion. Pour celui qui ne s’arrête jamais, la question « Et après ? » est présente et toujours attrayante, avec de nouveaux fronts à attaquer et de nouvelles personnalités à rencontrer. Et pour ceux qui ont la chance de croiser son chemin, il fait à son tour sans aucun doute partie des hommes remarquables, sources d’inspiration dans une carrière.

(1) Christian Huyghe est président du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Agenae
(2) En savoir plus sur le projet Écophyto R&D : réduire l'usage des pesticides
(3) En tant que Président du Comité d’orientation scientifique et technique de l’Acta (COST)

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