Dossier revue
Changement climatique et risques

Un monde de forêts

Les forêts sont des écosystèmes complexes et riches qui couvrent de vastes régions du globe. Elles forment des habitats pour de nombreuses espèces animales, végétales et microbiennes qui entretiennent de nombreuses relations. Panorama.

Publié le 21 juin 2022

Définition : qu’entend-on par forêt ?

La définition de la forêt diffère suivant le lieu l’on se trouve, les valeurs qu’on lui accorde, les biens et les services que les êtres humains en attendent. Pour la FAO, la forêt est un couvert arboré recouvrant au moins 10 % d’une surface d’undemi-hectare (5 000 m²). L’arbre est ici défini comme une plante pérenne d’une seule tige (ou plusieurs si elle est recépée) qui atteint au moins 5 m de hauteur à maturité. Pour estimer et connaître l’étatl’évolution et les potentialités d’une forêt, les forestiers se sont accordés sur trois critères (couvert forestier, surface et composition en essences du peuplement) avec des valeurs de référence qui varient selon les pays et les institutions. L’inventaire forestier national français ajoute un critère de largeur de couvert (au moins 20 m), excluant ainsi les aligne- ments d’arbres. À ces critères s’ajoute une notion d’usage des terres qui doit être strictement à vocation forestière et non agricole ou urbaine. Les plantations d’arbres à destination de la production de bois sont ainsi considérées comme « forêts» contrairement aux vergers et aux parcs.

Des caractéristiques variables selon les forêts

Les arbres conditionnent la structure et le fonctionnement des écosystèmes que sont les forêts

Au niveau mondial, les forêts abritent une grande diversité d’espèces d’arbres (73 300)1, avec des exigences et des capacités d’adaptations variables : certaines préfèrent un climat tempéré quand d’autres sont aptes à supporter des températures extrêmes (caniculaires et froides) ou capables de se développer sur des sols contraignants malgré le manque d’eau ou la présence de sel. Les arbres conditionnent la structure et le fonctionnement de ces écosystèmes et influent sur la biodiversité qui s’y développe, c’est pourquoi on les qualifie d’espèces « clés de voûte ».

 

 

La répartition des forêts2 à l’échelle globale s’explique principalement par les conditions climatiques passées et actuelles qui définissent 5 grands domaines : boréal, polaire, tempéré, subtropical et tropical.

Les régions tropicales sont caractérisées par de fortes pluies toute ou une partie de l’année. Leurs paysages boisés sont extrêmement denses et diversifiés comme ceux luxuriants d’Amazonie (dont la Guyane française) et d’Asie du Sud-Est ou ceux, plus secs, du bassin du Congo.

Les forêts des régions subtropicales, au climat plus chaud (22 °C de moyenne minimale) et aux saisons très contrastées, englobent une grande variation de couverts boisés : mangroves, forêts de pins, savanes arborées… On les retrouve au Mexique, sur le pourtour méditerranéen, au centre de l’Australie, ou bien encore au sud de la Chine et du Japon.

 

En zone boréale s’étendent des forêts (taïga) essentiellement constituées de conifères et de bouleaux, aptes à résister aux hivers rudes (entre –20 °C et –60 °C) et à tolérer une photopériode contrastée entre saisons. On retrouve ces paysages du Canada à la Russie, en passant par les pays scandinaves et la France via l’archipel de Saint- Pierre-et-Miquelon. En zone polaire, les températures estivales, inférieures à 10 °C, sont trop basses pour permettre la croissance des arbres.

 

Dans les forêts des zones tempérées, aux températures et aux précipitations annuelles moins extrêmes, on trouve des arbres à feuilles caduques et des conifères. Selon l’altitude, la présence de cours d’eau et la nature des sols, certaines espèces sont plus ou moins dominantes. On retrouve ces

forêts majoritairement dans l’hémisphère nord, de l’Amérique du Nord à l’Europe, mais également au sud de l’Australie et en Amérique du Sud.

 

1. Estimation récente (Gatti et al. PNAS 2022).
2. Classement réalisé d’après le rapport FAO 2020 (figure 8, p. 19).

L’impact de l’humain 

Plantation mélangée de pins à Futeau (55).

Les divers espaces forestiers ont été, au fil du temps, plus ou moins gérés et impactés directement ou indirectement par les activités humaines, ce qui en fait des socio-écosystèmes. Ils ont parfois été fortement dégradés par les sociétés humaines au profit des terres agricoles, des villes, des infrastructures de transport ou des zones d’activités pour une population toujours plus nombreuse. En un siècle, les forêts mondiales ont perdu 20 % de leur surface. Ce phénomène de déforestation (conversion des forêts vers d’autres usages, notamment agricoles) pour lequel on observe un léger ralentissement ces 30 dernières années est inégalement réparti : les forêts de l’hémisphère nord sont généralement en expansion, quand celles de l’hémisphère sud perdent du terrain.

 

Plantées ou naturellement régénérées, de quelles typologies forestières parle-t-on ?

On entend par forêts « naturellement régénérées » celles le couvert forestier se reconstitue spontanément après ouverture (incendie ou coupe). La FAO estime qu’au niveau mondial 54 % d’entre elles sont soumises à un plan de gestion à long terme, répertorié et examiné périodiquement, avec toutefois une grande variabilité selon les régions : 96 % en Europe, 59 % en Amérique du Nord, 24 % en Afrique et 19 % en Amérique du Sud.

 

À l’heure actuelle, 1/3 des surfaces de forêts naturellement régénérées sont qualifiées de primaires par la FAO. Dans ces espaces, les activités humaines n’ont pas ou plus d’impact visible sur le fonctionnement de l’écosystème forestier. L’Union européenne considère que c’est le cas pour 2,2 % de ses forêts. En France, aucune ne peut prétendre à ce statut, mais une étude récente de l'unité de recherche LESSEM d'INRAE à Grenoble évalue à 3 % de la surface forestière nationale les forêts qui ne sont plus exploitées depuis 50 ans et plus.

Les forêts sont-elles toujours des puits de carbone ?

Vue de la canopée guyannaise au sommet d'une tour à flux de 55 m de hauteur.

Les forêts sont l’un des piliers du fonctionnement climatique global et elles contribuent à l’atténuation du changement climatique par leur rôle de puits de carbone via la photosynthèse et la formation de biomasse, notamment de bois.

 

Leur capacité de stockage dépend de l’âge, de la santé des arbres, et aussi, dans les forêts gérées, des pratiques sylvicoles. Ainsi, une forêt peut devenir émettrice de carbone quand elle subit un stress environnemental important (canicule, attaque de ravageurs, etc.) ou une surexploitation. Actuellement, certaines régions forestières de l’hémisphère nord stockent du carbone, tandis que certaines régions tropicales touchées par la déforestation ou dégradées en sont émettrices. C’est le cas de la forêt brésilienne1 sur la dernière décennie (2010-2019), comme l’ont constaté les chercheurs d’INRAE, du CEA et de l’université d’Oklahoma.

Les sols forestiers, des alliés à considérer

« Mais attention, le carbone atmosphérique est capté différemment selon les forêts, dans le bois2et dans les sols3! », alerte le biogéochimiste Laurent Augusto de l’unité ISPA à Bordeaux. « Si une forêt tempérée stocke autant de carbone dans le bois que dans ses sols, la forêt tropicale a une dominante de captation dans ses arbres (56 %), alors que la forêt boréale est plus active au niveau de ses sols (60 % du carbone séquestré). » Cette capacité de séquestration évolue avec l’âge et la croissance des arbres. Elle passe par un maximum avant de diminuer. Les sols, eux, séquestrent très lentement le carbone sur des décennies et même des siècles. Ils peuvent être de précieux alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique s’ils sont correctement gérés. En effet, il s’agit d’éviter les perturbations (humaines ou naturelles) qui peuvent les amener à relarguer rapidement le carbone si lentement stocké. Ces éléments sont à intégrer dans les stratégies de gestion durable des forêts. « La bonne solution, pour optimiser ce rôle, est de raisonner le choix des espèces et des modes de sylviculture à l’échelle de la parcelle et du territoire », insiste Laurent Augusto. Capable de suivre, quasiment en temps réel, les variations de stockage de carbone atmosphérique par les forêts, la plateforme Biomass Carbon Monitor, élaborée avec le concours d’INRAE, permet depuis octobre 2021 d’éclairer gouvernements, ONG et professionnels sur cette question.

1. Qin Y. et al. 2021. Carbon losses from forest degradation exceed those from deforestation in the Brazilian Amazon during 2010-2019, Nature Climate Change.
2. Biomasse vivante (arbre, branche, feuille et racine), le bois mort est considéré à part.
3. Comprend l’ensemble des couches du sol dont la couche supérieure en décomposition (humus).

  • Sarah-Louise Filleux & Catherine Foucaud-Scheunemann

    Rédactrices